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La Vie ChonChon
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5 septembre 2011

NEDS

Non Educational DelinquentS

"Si vous voulez un NED, vous allez avoir un putain de NED !"
Glasgow, 1973. Le jeune John McGill est sur le point d’entrer au collège. Garçon brillant, la voie est cependant loin d’être toute tracée pour lui, entre un père violent et les préjugés de ses professeurs qui n'ont pas oublié son frère aîné "irrécupérable", Benny, devenu membre des NEDS. Les NEDS (Non Educational DelinquentS), dangereuses petites frappes, font régner la terreur dans les quartiers. La réputation de Benny vaut à John d’être protégé et lui ouvre très vite les portes du gang.

Voici le troisième film réalisé par Peter Mullan, après "Orphans" en 1999 puis "Tha Magdalene Sisters" en 2003. Ce film est à forte teneur autobiographique, raison pour laquelle je reviens vite sur la biographie du réalisateur.

Fils d'un ouvrier alcoolique et violent, Peter Mullan, cinquième d'une famille modeste de 8 enfants, grandit à Cardonald, dans la périphérie de Glasgow. Après avoir flirté avec la délinquance durant son adolescence, Peter Mullan suit de brillantes études d'économie et d'art dramatique. S'étant forgé très tôt une conscience politique, il joue la comédie au sein de compagnies engagées tout en donnant des cours de théâtre dans les prisons et les quartiers défavorisés.

Peter Mullan s'inscrit dans la veine sociale du cinéma britannique, avec un ton qui lui est particulier, oscillant entre tragédie et comédie. Ses expériences d'acteur l'auront probablement aidé : chez Ken Loach dans "Riff Raff" en 1990 puis dans "My Name is Joe" en 1998 ; chez Danny Boyle dans "Petits meurtres entre amis" en 1995 puis dans "Trainspotting" en 1996. Sa carrière s'est toujours inscrite dans cette veine sociale, notamment dans "Redemption" de Michael Winterbottom, "Young Adam" de David MacKenzie, "Boy A" de John Crowley.

Dans "NEDS" il dresse un tableau âpre et lyrique d'une jeunesse à la dérive, et parvient à construire un film impressionnant, en forme d'uppercut, d'une maîtrise narrative exemplaire, grâce à une mise en scène qui utilise contre-champs d'appels à l'aide, et contre-plongées mystiques (une scène au pied d'un Christ en croix). Peter Mullan démontre qu'il n'a rien perdu, à 52 ans, de sa force d'évocation ni de sa hargne pour revisiter la face sombre de son Écosse sinistrée natale, avec une approche qui sent à la fois le vécu et l'exutoire.

Le désoeuvrement y est tel que ce ne sont que rapports de force animaux, de confrontations physiques, et d'esprit de domination. Pas de rédemption ni de pardon, juste le cercle vicieux de la violence, ses causes et ses effets, le poids de la culpabilité. La contextualisation de cette violence est très pertinente, d'autant que le réalisateur n'a jamais recours à la sociologie de decorum, la psychologie de pacotille.

Pour incarner le jeune John McGill, nous découvrons successivement Gregg Forrest (John enfant) puis Conor McCarron (John adolescent) tous deux excellents, essayant de faire mentir le "déterminisme social" du jeune héros du film. Pour les soutenir, c'est une multitude d'adolescents, qui tiennent la barre de ces rôles difficiles d'une jeunesse à la dérive : Joe Szula (Benny, le frère de John), Mhairi Anderson (Elizabeth), Gary Milligan (Canta), John Joe Hay (Fergie), Christopher Wallace (Wee T), Richad Mack IV (Geer), Paul Smith (Key Alan), Khai Nugent (Tam), etc...

Pour sa part, Peter Mullan s'est réservé le rôle du père, autoritaire et violent, de Benny et John. Comme d'habitude, il est excellent, notamment dans une scène très forte, celle où il demande silencieusement à son fils de l'éliminer, scène d'une très intense émotion, suscitée par le désoeuvrement du père comme du fils.

J'ai deux petites réserves à émettre : la musique du film, faite de morceaux de l'époque, est à mon sens un peu trop présente ; et la fin du film distille une goutte d'optimisme en fin de parcours qui n'était pas nécessaire.

J'ignore si Peter Mullan a voulu que nous puissions dresser un parallèle entre le Glasgow des années 1970, et les risques que nous encourons à accepter la paupérisation des classes modestes et défavorisées d'aujourd'hui, mais il est indéniable que le film connaît une résonance dans l'actualité. 

Alors qu'il est très difficile, et très délicat, de traiter au cinéma de la jeunesse et des violences, la violence dont elle est victime comme la violence dont elle est l'auteur, Peter Mullan parvient à traduire une tourmente dépressive effrayante en véritable film coup de poing.

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