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4 mars 2013

Les Équilibristes

Les Equilibristes

Regarde l'homme tomber.

Giulio (Valerio Mastandrea, superbe), quarante ans, a une vie bien installée entre son travail à la mairie, ses deux enfants Camilla âgée de 16 ans (Rosabell Laurenti Sellers, sensible et particulièrement délicate) et Luca âgé de 9 ans (Lupo De Matteo, adorable) et Elena (Barbora Bobulova), son épouse qu'il aime... mais qu'il a trompée un soir avec sa collègue Stefania (Grazia Schiavo).

Quand son épouse décide de divorcer, et lui demande de quitter e domicile familial, Giulio voit sa vie basculer et découvre à quel point la frontière peut être ténue entre l'aisance et la pauvreté...

Ivano De Matteo est peu connu en France, puisque "Les Équilibristes" n'est que son troisième film. Il est connu en Italie, d'abord pour avoir réalisé la série (pas le film) "Romanzo Criminale", et "La Bella Gente, les gens bien" en 2009.

Le titre "Les Équilibristes" renvoie à la fragilité de la condition humaine et à la difficulté de rester digne dans les épreuves de la vie. Ivano De Matteo explique : "C’est exactement ce qui arrive au personnage principal : un fort coup de vent et une chute irrémédiable. En un éclair, un bon père, un mari aimé, un collègue estimé, un ami joyeux, un homme heureux, est anéanti, ne sert plus à personne, est incapable de continuer à jouer son rôle, ne trouve plus aucun sens à sa vie. Il n’a plus de raisons d’exister aux yeux de sa famille et de la société. Et ce qui est pire, également à ses propres yeux."

Je pense qu'il faut apprécier ce film, que je qualifierais de "socio-politique", comme dans la lignée (toutes proportions gardées) de "Rosetta" des Frères Dardenne (et de tout leur travail), "L'humanité" et "Flandres" de Bruno Dumont, "Ressources Humaines" de Laurent Cantet, "Violence des échanges en milieu tempéré" de Jean-Marc Moutout, "Louise Wimmer" de Cyril Mennegun, etc... autrement dit comme restant volontairement une oeuvre de cinéma qui "fictionne" la réalité, bien davantage qu'un film de divertissement.

Mastandrea Valerio

Cette chronique est d'une mélancolie sombre. L'interprétation sobre et butée de Valerio Mastandrea l'illustre parfaitement : la fierté d'un nouveau pauvre qui préfère encore le néant à la pitié. Et là, il faut insister sur la prestation du comédien, excellente. Il irradie d'une beauté particulière, proche de celle d'un Pierre-Loup Rajot. Valerio Mastrandrea n'est pas inconnu : sa carrière commence au mitan des années 1990, et on l'a vu notamment dans "Gente Di Roma" de Ettore Scola (2003), "Napoléon (et moi)" de Paolo Viezi (2006) aux côtés de Daniel Auteuil, "Le Caïman" de Nanni Moretti, "A perfect day" de Ferzan Ozpetek, "Piazza Fontana" de Marco Tullio Giordana (2012)... et il est évident, selon moi, que nous devrions le revoir prochainement dans d'autres films, d'envergure internationale.

J'ai noté la forte présence de Rosabell Laurenti, dans le rôle de Camilla, la fille de Giulio, qui parvient à proposer un jeu tout en finesse, notamment dans ses regards.

La musique de Francesco Cerasi vient ponctuer chaque étape de la lente dégradation de la situation sociale de Giulio. Elle rythme parfaitement les petits paliers successifs que doit descendre cet homme, comme inexorablement, comme devant subir toutes les étapes successives de la paupérisation. Enfin, cette Rome du jour et de la nuit, très bien filmée, au milieu de laquelle Giulio ne semble plus avoir sa place.

"Les Équilibristes" relève d'un cinéma social au ton juste et poignant dont les interprètes servent la belle humanité. Ultradocumenté, d'une sobriété et d'une efficacité bluffantes, le film d'Ivano De Matteo est un voyage hallucinant au pays des nouveaux pauvres.

J'ai une seule réserve, mais qui tient davantage de mes goûts personnels que d'une appréciation cinéphilique : le happy-end. Je pense que ce genre de film, dès lors qu'il s'engage clairement sur le champ politique, économique et social, qu'il décrit toutes les étapes de la paupérisation, ne peut pas se contenter, à son terme, nous montrer une épouse dans le repentir, qui regrette de ne pas avoir pu pardonner une incartade sexuelle et finir par tendre la main, toutefois sous l'influence de sa fille, sincèrement bienveillante, elle. 

La fin logique du film, selon moi, aurait dû être implacable, dans la veine de ce que montrent notamment les Frères Dardenne et Bruno Dumont, rester âpre, et laisser Giulio parmi les dépossédés.

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