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La Vie ChonChon
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13 novembre 2011

Michael

MichaelLa banalité du mal.

Michael, 35 ans, enlève, séquestre et viole Wolfgang, 10 ans.

Inspiré de la vie de Natascha Kampusch, le film décrit les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang, 10 ans et Michael, 35 ans. Me réalisateur, Markus Schleinzer s’intéresse depuis longtemps à la manière d'aborder les criminels et à la notion même de criminel dans le débat public (plus particulièrement les sévices sexuels infligés aux enfants qui est, selon lui, le crime le plus fermement condamné dans la société) : "J’ai voulu tenter de trouver des réponses, et chercher à approcher ce sujet de manière franche, ce que permet précisément la fiction cinématographique", explique-t-il.

Markus Schleinzer est un directeur de casting reconnu, et son excellent travail a souvent été remarqué, notamment sur "Dog Days" de Ulrich Seidl en 2002, "Le Braqueur" de Benjamin Heisenberg en 2010, et très récemment "Lourdes" de Jessica Hausner avec Sylvie Testud. Il a par ailleurs développé plus de 60 projets de films dont "La Pianiste", "Le Temps du Loup" et "Le Ruban Blanc" (sur lequel il a aussi pris en charge le casting des enfants) de Michael Haneke. On peut considérer aujours"hui qu'il est, en quelque sorte, son fils spirituel.

Pour le premier film qu'il réalise, il ne manque pas d'audace : pour éviter tout sentimentalisme et toute surenchère émotionnelle, ce n'est pas le point de vue de la victime qui prévaut ici, mais celui du pédophile. Son film est tout en sobriété : c'est froid, impeccable et implacable dans sa mise en scène des monstruosités humaines. Une succession de plans fixes qui suscite la crainte d'un danger permanent qui ne quitte jamais le spectateur. Très intelligemment, il ne montre donc jamais l'horreur, et privilégie la suggestion hors cadre. Rien n'est plus effrayant que l'horreur "ordinaire", et c'est en ne montrant rien que le film vous glace.

Markus Schleinzer pousse son audace jusqu'à ne pas énoncer le moindre jugement moral à la place du spectateur, menant ainsi à terme son projet pourtant très casse gueule.

C'est Michael Fuith à qui revient la charge du rôle de Michael. Il a précédemment joué dans des films peu connus, "Free to leave" de Peter Payer en 2007, "Rammbock" de Marvin Kren en 2010. Il livre ici une interprétation éblouissante de laquelle sourd une violence sourde et constante. 

Wolfgang est incarné par le jeune David Rachenberger, très juste et très sobre, jouant admirablement de regards craintifs et apeurés. Enfin, Christine Kain (la mère de Michael), Ursula Strauss (la soeur de Michael) et Gisela Sacher (la collègue de Michael), complètent la distribution.

"Michael" met donc en scène l'horrible constat de "la banalité du mal". Les plans fixes, les décors et les costumes désincarnés, la vie ultra-conventionnelle de Michael, la palette morose des couleurs, le jeu très sobre des comédiens... tout contribue à étayer ce constat. Le film dénonce le mécanisme de l'aveuglement contemporain, parce que nous refusons de regarder derrière la banalité, et nous renvoie au passé concentrationnaire.

Ce film est extraordinairement ambitieux, et Markus Schleinzer est à la hauteur de son ambition, épaulé il est vrai par l'imparable prestation de Michael Fuith. D'un fait divers, il tire un propos universel qui forcément dérange : la banalité du mal. 

Et pour preuve : en revenant de voir le film, j'ai jeté un oeil attentif sur les critiques j'y ai relevé une réelle opposition. Pour Le Parisien, le JDD, le Figaro, "Michael" voisine avec la nullité, tandis que Les Inrockuptibles, Libération et Le Monde s'accordent sur la réalité de la banalité du mal, probablement parce que ce ne sont pas des media prompts à la désignation facile de boucs-émissaires. Cette opposition des critiques, qui on l'a compris, semblent dépendre de leur placement sur l'échiquier politique, ne fait qu'ajouter encore - si toutefois c'est possible - à l'intérêt du propos par le film.

Même, et parce que c'est un film glaçant, fascinant, déstabilisant, je ne peux que le conseiller. Aussi parce ce qu'il questionne sur ce que cachent certaines banalités, parce qu'il nous impose une réflexion sur la pédophilie,, et parce qu'il semble dans la succession de "M le Maudit" (Peter Lorre), de "Panique" (Michel Simon) et de "Monsieur Hire" (Michel Blanc).

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