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28 janvier 2013

L'Ivresse de l'Argent

L'ivresse de l'argent

L'argent qui humilie.

Youngjak (Kim Kang-woo, excellent et... très très beau !) est le secrétaire de Madame Keumok Baek (Yun-Shik Baek, effrayante à souhaits), dirigeante d’un puissant empire industriel coréen.

Il est chargé de s’occuper des affaires privées de cette richissime famille à la morale douteuse, comme de libérer Chul, le fils de la famille (On Ju-wan) du joug de la justice en achetant les juges).

Pris dans une spirale de domination et de secrets, perdu entre ses principes et la possibilité de gravir rapidement les échelons vers une vie plus confortable, et ce alors qu'il tombe peu à peu amoureux de Nami, la fille de la famille (Yun Yeo-yung), et qu'il voit Eva, la bonne du clan et son amie (Maui Taylor) se faire assassiner parce qu'elle a une liaison avec le père de la famille, Youngjak devra choisir son camp, afin de survivre dans cet univers où argent, sexe et pouvoir sont rois…

C'est le quatrième film de Im Sang-soo que je vois, après "Une femme coréenne" (2003), "The President's Last Gang" (2005, une merveille de violence), "The Housemaid" (2010, où déjà il était question de soumission et d'humiliation), et j'aime le prisme "asiatique" qu'il propose dans son regard sur le monde. Ici, comme on l'a déjà vu souvent dans des films du monde entier, il est question du pouvoir de l'argent, et de la façon dont on peut s'en servir à des fins d'humiliation.

Impossible de ne pas penser à "La Règle du jeu" de Jean Renoir (1939), ce chef d'oeuvre, classique universel, où l'on regarde vivre, sous le même toit, les maîtres et les domestiques.

Im Sang-soo a voulu appeler son film "L'Ivresse de l'Argent" pour l'inscrire dans le contexte politique et social de son pays : "L’actuel président coréen a souvent été comparé à Silvio Berlusconi, car c’est un nanti qui avait promis aux Coréens de les rendre aussi riches que lui. Mais finalement, seuls ses amis intimes se sont enrichis, et la Corée s’enlise dans le marasme, entre chômage et conditions de travail abusives. Les Coréens, qu’ils soient riches ou pauvres, sont tous devenus obsédés par l’argent", a expliqué le cinéaste lors du festival de Cannes 2012.

Kim Kang-woo

Le tandem maîtresse/domestique que forment la divine Yun-Shik Baek et le sculptural Kim Kang-woo (tous deux très connus en Corée du Sud) fonctionne à merveille, chacun jouant de façon très "en retrait", sans excès, sans cris, de façon presque étouffée, jusque lors de l'effrayante scène ou la vieille Keumok violera le jeune Youngjak. Et le reste de la distribution fonctionne au même diapason, d'une façon assez feutrée, afin de mettre en exergue cet étrange manque d'humanisme dans lequel confine et confit l'argent.

Très sophistiqué dans la forme, grinçant, voire glaçant sur le fond, "L'ivresse de l'argent" confirme le talent d'Im Sang-soo pour croquer les travers de la grande bourgeoisie sud-coréenne. C'est aussi jubilatoire qu'effrayant. Le film, impeccablement 
réalisé, est au diapason de ses décors d'un luxe lourd 
et sombre, au sein desquels les personnages trament entre eux des ignominies. Dans le prolongement de "The Housemaid", où le cinéaste dénonçait déjà les abus de pouvoir de patrons richissimes sur leurs employés, ce film ultra-stylisé témoigne, avec une belle acuité, de la Corée d'aujourd'hui.

La mise en scène au scalpel d'Im Sang-soo, son sens du détail signifiant, des jeux de regards, valent le détour. Surtout, la distance glacée qu'il conserve vis-à-vis de ses personnages les maintient dans une ambiguïté fascinante.

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