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10 mars 2013

Spring Breakers

Spring Breakers

Mauvais voyage initiatique...

Pour financer leur Spring Break, Candy (Vanessa Hudgens), Faith (Selena Gomez), Brit (Ashley Benson) et Cottue (Rachel Korine), quatre étudiantes aussi fauchées que sexy décident de braquer un fast-food. Et ce n’est que le début…

Lors d’une fête dans une chambre de motel, la soirée dérape et les filles sont embarquées par la police. En bikini et avec une gueule de bois d’enfer, elles se retrouvent devant le juge, mais contre toute attente leur caution est payée par Alien (James Franco), un malfrat local qui les prend sous son aile…

Le réalisateur Harmony Korine (fils du documentariste Sol Korine), n'en est pas à son coup d'essai, puisque nous lui devons, outre quelques courts métrages, "Gummo" sorti en 1997, "Mister Lonely" sorti en 2007 et "Trash Humpers" sorti en 2009. Mais pour comprendre son univers, ses références, et surtout sa façon de filmer les adolescentes de "Spring Breakers", je pense qu'il faut rappeler qu'il a travaillé avec Larry Clarck sur "Kids" et "Ken Park" dont il a écrit les scénarii, et qu'il a joué dans deux films de Gus Van Sant, "Will Hunting" en 1997, et "Last Days" en 2005. Par ailleurs, il a été le compagnon de Chloé Sevigny, l'égérie du cinéma underground, qu'il a écrit pour la chanson "Harm of Will" pour Björk, qu'il a réalisé pour Sonic Youth le clip de "Sunday".

Pour écrire un scénario qui soit proche de la réalité, Harmony Korine a fait le choix de partir en Floride, au moment où le "Spring Break" battait son plein. Cette pause dans le calendrier scolaire permet aux étudiants de se détendre et le plus souvent, de faire une fête qui dure l'espace d'une semaine ou deux. Il se souvient de cette expérience avec une pointe d'humour : "J’ai écrit le scénario en séjournant à l’hôtel, avec des gamins qui vomissaient devant l’entrée…". Il lui a fallu 10 jours pour le terminer.

Spring Breakers Casting 1

Sping Beakers Casting 2

Le casting est très intéressant, car les jeunes actrices ne sont pas à proprement parler des "bombes" à la façon hollywoodienne, mais bien davantage des jeunes filles jolies, hyper-sexuées grâce à une débauche de vulgarité, qui parvient à mettre l'accent sur leur vulnérabilité. Vanessa Hudgens a joué en 2003 dans le très intéressant "Thirteen" de Catherine Hardwicke, mais est surtout connue pour son rôle dans la série "High School musical". Selena Gomez qui compte un grand nombre de films assez niais au compteur (dont les "Arthur" de Luc Besson), et tient sa notoriété de la série "Les Sorciers de Waverly Place". Ashley Benson est connue pour son rôle dans la série "Pretty Little Liars". Ashley Korine a un parcours différent, puisqu'elle vient de l'univers de Harmony Korine, étant son épouse depuis 2007. Notons aussi la présence, dans le petit rôle de Bess, de la pétulante Heather Morris, qui interprète à merveille le personnage de Brittany Pierce dans "Glee".

Harmony Korine a délibérément choisi ces jeunes actrices, qui jouent dans des séries TV "proprettes" décrivant toutes des USA idéalisés, pour les plonger dans son univers plus "trash", pour les placer au coeur de tout ce qui fait les travers d'un pays mixant l'une des pudibonderies les plus excessives du monde et les débordements les plus ridicules supposés compenser cet étau.

James Franco 1 - Korine

James Franco - Korine 2

Pour le rôle d'Alien, Harmony Korine a immédiatement songé à James Franco, l'un des acteurs les plus doués de sa génération, aux côtés notamment d'un Joseph Gordon-Levitt. James Franco est un acteur à part, qui peut tout jouer, qui peut passer d'une très grosse production hollywodienne au film le plus discret et le plus underground. Depuis sa prestation dans la série "Freaks and Geeks", il a accumulé une filmographie impressionnante, passant de Sam Raimi ("Spiderman") à Gus Van Sant ("Harvey Milk"), de Robert Altman ("Company") à Rob Epstein & Jeffrey Friedman ("Hawl", "Lovelace") de Daany Boyle ("127 Heures") à Judd Apatow ("En cloque, mode d'emploi"), de Paul Haggis ("Dans la Vallée d'Elah") à Michel Gondry ("The Green Hornett"), etc... en prenant le temps de réaliser ses propres films de court métrage, et en s'offrant le luxe de retourner prendre des cours à l'université.

Dans "Sping Breakers" son rôle est très ambigu. Aux extérieurs de malfrat classique (armes et violence, bagnole et fric), s'ajoutent une complexité, qui est probablement inspirée par James Franco soi-même : il aguiche mais ne couche pas, il se réfugie à son piano, il chante Britney Spears dans un émouvant murmure... Scène culte où il mime, non sans malice, une fellation à deux énormes revolvers... 

Bravant le mauvais goût bécasse des tordues du bikini et des agités du caleçon, Harmony Korine prend les choses en main en désagrégeant son script de teen movie et en lui infligeant une réécriture radicale. Harmony Korine filme cette débauche de formes et de couleurs avec une énergie folle, variant ses cadrages, balançant des décharges de montage en cut-up, bombardant les mots Spring Break comme un mantra. Devenant une séance de l'absurde, grotesque et diaboliquement fun, "Spring Breakers" assure ses arrières, refusant l'effet du pétard mouillé auquel certains l'ont un peu trop vite assimilé. A l'arrivée, un conte moral séduisant en diable, envoûtant, atmosphérique, magnifiquement photographié. Une expérience sensorielle vertigineuse.

À la vacuité des images dominantes, "Spring Breakers" n'oppose aucun antidote : à l'inverse il empile ces images jusqu'à saturation, procédant par décoction pour faire remonter à la surface leur nihilisme radical et radicalement érotique. C'est très amusant à regarder, et en même temps très douloureux. Le film, tour à tour édifiant et ricanant, dépasse sans cesse ses caricatures avec une fluidité impressionnante.

N'aimant rien tant filmer que "l'ingrat" de ce bas monde, l'ex-kid qui a écumé les travées insanes de l'Amérique investit la culture pop des années 2000 pour livrer une bombe irradiant le sentiment d'une époque. C'est à la fois sexy, fun et cauchemardesque. Fascination et répulsion, pureté et vulgarité, saturation et vide, tout cohabite dans ce poème planant, très stylisé. De cet objet idiot s'écoule une sorte de poésie repoussante et naïve, burlesque et synthétique, vulgaire et bête, une sorte de poésie perdue, à ramasser, à rincer, impropre à la consommation, innommable en somme, mais qui exprime aussi la part poétique et misérable de notre époque.

Si on ne se trompe pas sur ce qu'est "Spring Breakers", c'est à dire bien davantage qu'un teen-movie, mais plutôt le portrait désenchanté d'une jeunesse étasunienne étouffée et viciée par l'outre-consommation, on apprécie le regard froid que lui porte Harmony Korine.

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