Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Vie ChonChon
La Vie ChonChon
Derniers commentaires
Archives
2 juin 2013

Ginger & Rosa

Ginger & Rosa

La fin de l'adolescence.

Londres au début des années 1960.

Ginger (Elle Fanning) et Rosa (Alice Englert), deux ados inséparables vivent ce moment unique du passage de l’enfance à l’âge adulte.

Entre parano de la guerre froide et de la crise des missiles soviétiques à Cuba d'un côté, et l'apprentissage de la liberté d'un autre côté, les deux jeunes filles vont devoir choisir le chemin de leur émancipation.

Révolution sexuelle et féminisme politique, blue jeans délavés et rock contestataire, cigarettes et premiers baisers, elles entrent en rébellion contre leurs mères, pour finir par se déchirer, irrémédiablement, l'une choisissant réellement l'émancipation, l'autre reproduisant le schéma préexistant de la femme au foyer à cause d'une grossesse trop hâtive.

Au delà du sujet, le passage de l'adolescence à l'âge adulte, qui est un des plus intéressants tant en littérature qu'au cinéma, trois noms m'ont interpellé et encouragé à aller voir ce film. Tout d'abord Sally Potter, la réalisatrice qui reste pour moi celle qui réussit à adapter brillamment au cinéma en 1992 "Orlando" de Virginia Woolf avec la passionnante Tilda Swinton, égérie du génial Derek Jaman. Ensuite, Timothy Spall, selon moi un des plus grands comédiens contemporains, qui peut absolument tout jouer, un des comédiens fétiches de Mike Leigh. Enfin, Elle Fanning, cette jeune actrice de 15 ans, qui reste la seule, aux côtés de Stephen Dorff, à m'avoir fait apprécier un film de Sofia Coppola, outre "Virgin Suicide" - dont je ne comprends pas l'engouement qu'elle suscite avec son éternelle histoire de malheurs de jeune fille capricieuse et bourgeoise - dans "Somewhere".

Fanning Elle

Ginger vit donc entre Natalie (Christina Hendricks) sa mère au foyer qui a sacrifié la peinture pour elle et son père Roland (Alessandro Nivola) journaliste engagé favorable à une éducation libertaire. Incontestablement, Elle Fanning (soeur de Dakota Fanning) est remarquable. Il faut dire qu'à 15 ans, elle compte déjà une filmographie longue comme le bras : une multitude d'apparitions dans des séries TV, "Déjà vu" de Tony Scott, "Babel" d'Innaritu, "Reservation Road" de Tery George, "Benjamin Button" de David Fincher, "Somewhere" de Sofia Coppola, "Nouveau Départ" de Cameron Crowe, et m'est avis que sa carrière n'est pas près de ralentir.

Alessandro Nivola incarne un Roland, le père de Ginger, un rôle difficile d'éternel adolescent, revendiquant une éducation libertaire pour sa fille, l'encourageant à s'engager en politique, lui excusant ses petites virées nocturnes, assumant certes sa paternité, mais demeurant égoïste, au point d'avoir une relation avec Rosa, la meilleure amie de sa fille. Je l'avais découvert dans le passionnant "Howl de Rob Epstein et et Jeffrey Friedman, dans le rôle de Luther Nichols, aux côtés de James Franco et Jon Prescott. C'est à mon sens un acteur à suivre, notamment dans "Who Do You Love" de Jerry Zachs où il incarnera le rôle de Leonard Chess, le génial producteur de musique blues qui découvrit Muddy Waters et Chuck Berry.

Englert et Fanning

Mais Ginger passe le plus clair de son temps avec son inséparable amie Rosa, incarnée avec talent par Alice Englert, remarquée très récemment pour sa brillante prestation dans "Sublimes Créatures" de Richard LaGravenese. Le rôle de Rosa est difficile, puisque son émancipation ne passe que par l'amour et la sexualité avec Roland, le père de Ginger, quand son amie pense davantage poésie et politique, ce qui la conduira à tomber enceinte prématurément, et l'obligera plus à une vie semblable à celle des femmes d'autrefois qu'à celle des femmes des années 1970, plus émancipées car plus libérées. Il est donc aisé de comprendre pourquoi ce rôle est particulièrement difficile, puisqu'il explique que parfois, alors qu'on croit être à l'avant-garde, on est en fait en retrait des enjeux sociétaux nouveaux.

Platt Bening Spall

Ginger se refugie aussi chez ses parrains Mark 1 et Mark 2 (Timothy Spall et Oliver Platt) qui accueillent une amie politiquement engagée, Bella, incarnée par la pétulante Annette Bening. Mark 1 et Mark 2 sont probablement un couple d'homosexuels, comme Bella est peut-être lesbienne, mais maligne, Sally Potter ne le dit ni ne le montre clairement, comme dans les années 1960, et laisse le spectateur comprendre, ou ne pas. Spall, Platt, Bening, où l'on voit que Sally Potter n'a pas mégoté sur les seconds rôles, tous impeccables ! Tout le monde connaît Annette Bening qui assume depuis "Mars Attacs" de Tim Burton les rôles les plus "déjantés" qu'on lui propose, et dans lesquelles elle fait merveille. Oliver Platt a une carrière impressionnante et compte parmi les seconds rôles majeurs du cinéma. Quant à Timothy Spall... 

timothy_spall

Selon moi, Timothy Spall, davantage encore que Colm Meaney, est une espèce d'Olivier Gourmet britannique, d'envergure internationale. C'est un acteur qui, quelle que soit la dimension de rôle, imprime toujours l'écran, et donne toujours profondeur et esprit à ses rôles. Désormais connu pour son rôle de Peter Pettigrew dans la saga "Harry Potter", aussi pour ses rôles chez Mike Leigh dans "Life is sweet" en 1990, "Secret and Lies" en 1997, "Topsy-Turvy" en 1999, "All or Nothing" en 2002, il compte à son actif une filmographie admirable que je ne résiste pas à évoquer dans les grandes lignes, une liste exhaustive relevant presque de l'impossible. Alors voici, notamment et dans l'ordre chronologique : "Un thé au Sahara" de Bernardo Bertolucci, "Chasseur blan, coeur noir" de Clint Eastwood, "Hamlet" de Kenneth Branagh, "La sagesse des crocodiles" de Leong Po-Chih, "Vaccuming Completely Nude in Paradise" de danny Boyle, "Intimité" de patrice chéreau, "Sweeney Todd" de Tim Burton, "Appaloosa" de Ed Harris, "The Damned Unite" de Tom Hooper, "Fleur du Désert" de Sherry Hormann, "Le Discours d'un Roi" de Tom Hooper (campant un Churchill superbe !), "Alice au Pays des Merveilles" de Tim Burton... Ne reste plus qu'à attendre, dans le rôle titre, "J.M.W. Turner" de Mike Leigh à sortir prochainement !

Hendricks Christina

Christina Hendricks campe Natalie la mère de Ginger, une femme des années 1960 très juste, comprimée entre sa volonté d'émancipation qu'elle a sacrifiée et son statut de femme au foyer qu'elle n'aime pas, surtout en regardant son époux "vivre sa vie" en toute liberté. Son jeu est subtil, tiraillée entre les désirs contradictoires de Natalie. Je l'avais découverte dans le rôle de blanche dans "Drive" de Nicolas Winding Refn.

Sally Potter insiste sur le fait que son film n'est pas une autobiographie. Pourtant, il est indéniable qu'il existe des similitudes entre sa vie et celle de Ginger. La cinéaste a par exemple demandé à la jeune comédienne Elle Fanning de se teindre en rousse, sa propre couleur de cheveux. Ensuite, elle a partagé ses souvenirs avec l'actrice pour qu'elle se fonde mieux dans son personnage. Elle Fanning a également pu s'imprégner, pour son rôle, des photos de la réalisatrice lors de manifestations anti-nucléaires.

La réalisatrice considère que l'Homme est influencé par la société car il fait partie d'un tout. Partant de ce postulat, elle a eu l'idée de raconter l'histoire de deux toutes jeunes adolescentes évoluant dans les années 1960 entre la guerre froide et la menace nucléaire avec la Crise des Missiles à Cuba. Le comportement de ses personnages trouve ainsi un sens dans la situation extrêmement tendue de leur époque : "Dans le film, les relations entre les personnages, leurs mensonges et leurs trahisons, leurs croyances, leurs craintes ou leurs espoirs sont le reflet de la crise de l’époque. Il n’y a pas de bons ni de mauvais personnages, seulement des individus faisant de leur mieux, avec leurs croyances, leurs questionnements et qui tentent de donner un sens à leur vie", explique-t-elle.

Sally Potter essaie de décortiquer les affres de l'adolescence, le talent, l'engagement politique, la découverte de la sexualité et la fin de l'innocence, avec la complicité de deux jeunes actrices éblouissantes. Elle utilise le danger nucléaire comme une métaphore  de la fin de l'innocence, et chaque plan, est la preuve de son talent formel. S'il y a sur ce sujet des films plus aboutis, parce que plus centrés sur les adolescents et laissant moins de place aux adultes qui les entourent, "Ginger & Rosa" tient avec modestie et sensibilité la chronique d’un passage à l’âge adulte. Le formalisme de la réalisation (les gros plans sont sublimes !) et l'exceptionnelle qualité de l'interprétation emportent toutefois avec eux.

Publicité
Commentaires
La Vie ChonChon
Publicité
Publicité