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La Vie ChonChon
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26 août 2013

Jeune & Jolie

Jeune et Jolie

On n'est pas sérieuse quand on a 17 ans...

Le portrait d’une jeune fille de 17 ans en 4 saisons et 4 chansons.

Isabelle (Marine Vacth), une jeune fille en fleur, sur une plage corse, observée à la jumelle. Elle jette son dévolu sur le premier jeune Allemand qui passe, Félix (Lucas Prisor), non pas pas l'espoir du grand amour, ni même d'une amourette de vacances, mais juste pour perdre son pucelage.

Elle est heureuse au sein de sa famille bourgeoise, entre sa mère Sylvie (Géraldine Pailhas), son beau-père Patrick (Frédéric Pierrot), son petit frère Victor (Fantin Ravart), et le couple d'amis qui les accompagne, Véronique et Peter (Nathalie Richard et Djédjé Apali.

Revenue à Paris, la jeune Isabelle de 17 ans dans la vie réelle, se transforme en Léa de 23 ans sur internet, donnant des rendez-vous tarifés. Elle se prostitue comme elle pourrait se droguer : pour s'éprouver, mesurer son pouvoir, découvrir ses limites...

Jusqu'au jour où un de ses clients habituels, Georges (Johan Leysen) meurt d'une crise cardiaque alors qu'ils font l'amour... Même si, paniquée, elle fuit, la police retrouve sa trace, et prévient sa mère...

J'ai craint que François Ozon ne se laisse emporter par les succès de la très surestimée Sofia Coppola, et vienne lui aussi nous raconter les malheurs et les états d'âme d'une jeune petite bourgeoise parisienne. Mes craintes se sont vite dissipées, et François Ozon connaît son Spinoza : "Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre." Jamais il ne juge.

Il propose ici une étude presque philosophique de l'adolescence au féminin, tentant de souder ses motivations mystérieuses comme ses premiers pas paradoxaux vers le plaisir en déployant tous les effets du drame familial sur les autres personnages.

Marine Vacth

Il m'apparaît inutile de rappeler ici dans les détails le talent de la jeune Marine Vacth (par ailleurs mannequin et égérie de Yves Saint-Laurent), et sa large palette de jeu. Non seulement elle est très belle, mais d'évidence on découvre un jeune talent, une forte présence à l'écran, qu'elle soit en Isabelle la jeune fille en fleur ou en Léa la "working girl" qui se prostitue. Aucun des magazines et des journaux paraissant cette semaine ne fera l'impasse sur la nouvelle venue au cinéma, allant jusqu'à lui offrir un nombre considérable de couvertures.

François Ozon s'autorise à faire comme les plus grands - et il a raison - allant jusqu'à la filmer longuement de dos dans les couloirs d'un hôtel, et c'est magnifiquement fait.

Par ailleurs, il est clair qu'il s'est inspiré de "Vivre sa vie" dans lequel Jean-Luc Godard interviewait de vraies prostituées.

Jeune & Jolie - Cannes 2013

Mais il ne faudrait pas passer sous silence le reste de la distribution. La mère, c'est Géraldine Pailhas, et elle est impeccable, passant par toute une gamme de sentiments qu'elle maîtrise à la perfection (amis réalisateurs, confiez-lui les grands rôles qu'elle mérite, c'est un peu la Julianne Moore française !). Le beau-père, c'est l'incroyable Frédéric Pierrot, magnifique acteur français, ici tout en force tranquille et en apaisement, il est le roc auquel on se raccroche, tout en souplesse de caractère et en douceur, du grand art. Le petit frère, c'est l'incroyable Fantin Ravart, dans lequel semble s'être dissimulé le réalisateur (c'est dire la difficulté du rôle), qui observe, qui parle, qui comprend. Fantin Ravart, un nom à retenir.

Les seconds rôles ont été scrupuleusement distribués : la meilleure amie de Sylvie/Géraldine Pailhas n'est autre que Nathalie Richard, qui bien que discrète, est une des plus grandes actrices française (qui étaient parvenue à merveilleusement interpréter une transexuelle dans une série TV, prouesse rare) ; Georges le client régulier de Léa est interprété par Johan Leysen, qui bien qu'âgé joue tout en suavité et en sensualité ; son épouse à qui François Ozon réserve presque son "final" n'est autre que Charlotte Rampling, incroyable de douceur et de compréhesion ; la policière est interprétée par Carole Franck, qui sait asseoir son personnage en seulement trois scènes ; le psy d'Isabelle est interprété par Serge Hefez (qui est un vrai psychiatre spécialisé dans l’enfance et l’adolescence), tout en malice ; et Claire, la meilleure amie d'Isabelle au lycée, est interprétée par Jeanne Ruff, qui sait passer du rire aux larmes avec maîtrise.

Laurent Delbecque

Enfin, je veux revenir sur Laurent Delbecque, qui incarne Alex, celui qui sera le premier "petit copain" d'Isabelle après qu'elle aura cessé de se prostituer. Il pourraît, dans ce rôle casse-gueule, n'être que le faire valoir de Marine Vacth. J'ignore comment il s'y prend, mais il parvient à être bien davantage, grâce à un jeu délicat, toujours entre timidité et détermination. Apparu au cinéma en 2006 dans "Parc" de Arnaud des Pallières, il a enchaîné avec "De la Guerre" de Bertrand Bonello en 2007, dans "Simon Werner a disparu" de Fabrice Gobert (décidément, un film pépinière de jeunes talents !), dans "De bon matin" de Jean-Marc Moutout en 2012, et dernièrement dans "Michael Kohlhaas" de Arnaud des Pallières.

Je l'avais vu sur Arte dans un court métrage d'une vingtaine de minutes, "Argile", signé Michael Guerraz, où il jouait le modèle d'une veille scupltrice aveugle (qui devait donc le caresser pour le scuplter) interprétée par Edith Scob, et il y était formidable. À suivre de très près.

"Jeune & Jolie" est divisé en quatre saisons. Pour chacune d’elle, François Ozon a choisi une chanson de Françoise Hardy. C’est la troisième fois qu'il utilise le répertoire de la chanteuse pour ses films. Dans "Gouttes d'eau sur pierres brûlantes" (quel film !), on pouvait entendre "Traüme" et dans "8 Femmes" "Message Personnel" qu'interprétait magnifiquement Isabelle Huppert"Ce que j’aime particulièrement dans ses chansons c’est qu’elle retranscrit l’essence de l’amour adolescent : un amour malheureux, de désillusion, romantique… Je trouvais intéressant de synchroniser cette vision iconique sur un portrait plus cru de cette adolescente", explique le réalisateur.

Célébrant la puissance intacte et irrécupérable de cet âge scandaleux qu'est l'adolescence, encore une fois après "Gouttes d'eau sur pierre brûlantes" et "Les amants criminels" c'est cette mystérieuse période de la vie, avec sa mélancolie, ses désillusions, son dégoût des hypocrisies du monde adulte, sa clandestinité, qui est au coeur de "Jeune & Jolie", qui frappe par sa maîtrise extrême, y compris dans sa tonalité à la fois proche et distanciée, osant même l'humour là où l'on n'aurait pas songé à l'y chercher.

Avec beaucoup de modestie, le film évite parfaitement tous les pièges que lui tendait ce sujet délicat, qui aurait pu sombrer facilement dans la vulgarité et le voyeurisme. Pour avoir évité ces pièges, François Ozon qu'il peut relevé de beaux défis. Une troublante initiation des sens et du corps qui s’achève par une scène épilogue (un rien écriten selon moi) mais d’une puissance émotionnelle impressionnante.

Et le plaisir de retrouver des acteurs excellents, de découvrir certes Marine Vacth, mais aussi le jeune Fantin Ravart et le prometteur Laurent Delbecque.

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