Savoir Marcher

Détournement d'affiche.

Nous sommes donc le fameux 29 janvier 2009, ce que certains appellent à tort un "jeudi noir", parce qu'il y aura, partout en France, des manifestations en faveur d'une réhabilitation du pouvoir d'achat, et pour le maintien de l'ensemble des Services Publics, toujours plus écornés, face au désarroi généralisé que suscite la grave crise économique que nous vivons. Seront présentes de nombreuses revendications.

C'est le côté très solidaire de cette journée, qui sort volontairement des revendications corporatistes. J'y perçois comme un signe des temps, comme je l'ai indiqué dans ma précédente chronique. Et partout sur la toile, je vois et je lis, des appels à la mobilisation.

Je vous propose cette affiche, que je trouve assez judicieuse, pertinente, et intéressante. Il s'agit d'un détournement d'affiche du Conseil National de la Résistance, datant de 1945. Certains évoquent bien entendu 1936 et le Front Populaire, tandis que d'autres pensent au 25 mai 1968 et son record historique de 9 millions de grévistes. Pourquoi pas ? Chacun selon ses souvenirs, ses références historiques...

Je ne vends pas la peau de l'ours... même si chacun prévoit une mobilisation très large. Cette référence au Conseil National de la Résistance de 1945 me paraît judicieux, en premier lieu pour des raisons sémantiques. Conseil, National, Résistance. Pas un mot qui ne me déplaise compte tenu du contexte.

Moi qui sui plutôt "européen" que "national", j'accepte l'adjectif, car il me semble clair que c'est le "Gouvernement Sarkozy" et ses réformes qui est visé. On dit "Gouvernement Sarkozy", parce que c'est la réalité, mais nous devrions dire "Gouvernement Fillon". Nous sommes dans l'anti-constitutionnalité la plus totale.

Nous serons donc nombreux à "marcher" ce tantôt, depuis Bastille jusqu'à la Madeleine. Marcher. Le strict opposé de la course, de l'agitation, des assauts à la hussarde. Et me voici qui songe à Jacques Chirac, qui vient de déclarer combien il aime désormais marcher dans Paris. Comme François Mitterrand. Ce Jacques Chirac qui prenait son auto pour faire 200 mètres il n'y a pas si longtemps. Moquons les promenades, la marche de Solutré ! Moi qui suis un grand marcheur, je ne cesserai de vanter encore et encore, les vertus de cet exercice. Je marche, sans MP3, sans iPod, et cela m'a toujours aidé à réfléchir.

Au delà de toutes les frustrations et de toutes les revendications, ce sont des foules qui marcheront cet après-midi. Parcourir un chemin ensemble, mais pas TOUS ensemble. Je ne parle pas de ceux qui ne font pas grève, qui ne le souhaitent pas, qui ne le peuvent pas. Non, je pense à ceux qui ne marchent pas au sens où ils ne "fonctionnent" pas. Je pense à ce sous-gouvernement dont aucune des recettes (remèdes serait trop emphatique) n'apporte la moindre solution. Et de répondre à sa course erratique par une marche ordonnée.

D'un Opéra à un autre Opéra. Bastille-Auber. De cette marche, de cette procession, ne ressortira ni solution, ni même espoir. Mais ceux qui n'ont que leurs godillots aux pieds, marcheront. Et marcher, c'est avancer. C'est tout autre chose que de courir dans tous les sens. Comme en 1945 on rentrait chez soi à pied, parfois jusqu'au sinistre Hôtel Lutécia, nous marcherons. Fourbus et las, sans doute, mais nous marcherons. Les professeurs avec les ouvriers. Les médecins avec les retraités. Les employés avec les étudiants.

Peut-être qu'au terme de cette marche, nous tournerons à gauche ( ! ) vers la bien nommée Place de la Concorde.