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La Vie ChonChon
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15 mars 2009

Je te mangerais

Je_te_mangeraisCannibalisme mental.

Marie quitte sa famille pour aller vivre à Lyon et y étudier le piano au conservatoire. Pour des raisons économiques, elle partage l'appartement d'Emma, une amie d'enfance, qui y vit seule depuis la mort de son père et la désertion de sa mère. Marie se soumet aux règles de vie imposées par sa colocataire, toujours plus oppressante. Emma la fascine, la domine, la bouleverse. Marie se débat entre son désir pour elle et son envie de lui échapper, puisant sa force dans l'amour pour le piano.

"Je te mangerais" s'inspire de l'expérience personnelle de Sophie Laloy, qui, avant de devenir ingénieur du son pour le cinéma, se destinait à une carrière musicale. "Les premières grandes émotions de ma vie, je les ai ressenties alors que je jouais des morceaux de musique classique", explique la réalisatrice.

"J'ai donc intégré le Conservatoire de Lyon afin de devenir concertiste. Pendant ma première année d'étude, j'ai vécu en collocation avec une amie d'enfance, pour les mêmes raisons initiales que celles de Marie. Cette amie était propriétaire et avait le sens du concret qui me manquait, mais je me suis sentie oppressée par cette relation. De l'extérieur, nous apparaissions comme deux amies d'enfance plutôt liées, assez sages. Mais en réalité, c'est avec une grande lâcheté que je n'ai pas exprimé la violence du mal-être qui m'animait. Et moins je l'exprimais, plus c'était violent, puisque je créais mon propre malaise et que je me laissais dominer."

Ce sont avant tout ces sensations-là que la cinéaste a eu envie de raconter et de sublimer dans un récit : "comment Marie peut-elle se laisser enfermer dans une relation de plus en plus malsaine ? Comment elle-même peut induire, par son comportement, cette relation malsaine ? En quoi la peur de l'une peut influencer le désir de domination de l'autre ? Il n'y a pas une méchante et une gentille, il y a une très jeune, un peu naïve, un peu lâche, un peu indolente, très malhabile, très séduisante et une plus mature, très seule, blessée, possessive, maladroite et amoureuse." Sophie Laloy parvient à filmer les corps au plus près, les peaux, les souffles avec une maîtrise technique indéniable.

Les gros plans sur les visages, les nuques, les pieds de Judith Davis et l'envoûtante Isild Le Besco, dégagent une sensualité qui correspond tout à fait à ce que souhaite montrer la réalisatrice de cette étrange relation. Les deux comédiennes jouent avec toute l'intensité qui sied à cette histoire.

Dans des seconds rôles difficiles, parce qu'effacés, Johann Libéreau et Edith Scob sont parfaits. Tous deux symboles d'un "ailleurs" désiré par Marie, Johann Libéreau l'ailleurs qu'est la relation amoureuse d'une adolescente ordinaire, et Edith Scob l'ailleurs qu'est le piano, ils sont le chemin que souhaiterait suivre Marie, mais que sa lâcheté ferme d'une barrière.

Il est cependant regrettable que le film - qui semble regarder du côté du Roman Polanski jeune - soit à mon sens immature. L'ambivalence de Marie n'est pas suffisamment approfondie, tendant à faire d'elle davantage une capricieuse qui ne comprend pas les élans qu'elle suscite chez sa co-locataire, qu'une jeune femme tiraillée entre plusieurs désirs. Les choix musicaux sont irréprochables, Schumann et Ravel collant parfaitement au drame qui se noue devant nos yeux.

Le film est donc intéressant, mais reste mieux fait que bien pensé. Il se laisse néanmoins regarder avec beaucoup d'intérêt, et reste indéniablement ponctué de très beaux moments, qui valent le déplacement.

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