Qu'un seul tienne les autres suivront

Au bord du gouffre.

Stéphane se voit proposer un marché qui pourrait changer sa vie, Zohra cherche à comprendre la mort de son fils et Laure vit son premier amour pour un jeune révolté incarcéré. Réunis par hasard entre les murs d'un parloir de prison, ils auront chacun à prendre en main leurs destins. Qu'un seul tienne debout, et les autres suivront...

Léa Fehner est une jeune réalisatrice de moins de 30 ans, qui nous propose ici son premier film. C'est un film ambitieux, au style exigeant, probablement influencé par Maurice Pialat, qui tient ses promesse.

Déjà, la scène d'ouverture, où hélas, une femme, devant une prison, ne parvient pas à "tenir debout" est d'une force incroyable. Et presque tout le film est à cette aune. Il en émane une intensité dramatique exceptionnelle, une maîtrise, une force, une puissance, et presque une fureur, ne cédant jamais à un quelconque romantisme des difficiles trajectoires humaines qui s'entrecroisent. Léa Fehner parvient à combiner le réalisme de sa narration et le stylisme de sa mise en scène, avec beaucoup de talent.

Sans opacité, c'est une impitoyable réalité économique et sociale qui explose sous nos yeux, et presque chaque instant est transformé en acte de résistance, que ce soit devant les éclats de voix ou devant la toilette silencieuse d'un mort.

Le générique est sans fard, loin de toute tentative de clinquant. Pourtant, quelle distribution ! Farida Raouadj est magnifique (comme elle l'était dans le téléfilm "Douce France") ; Reda Kateb que nous avions découvert dans le rôle de Jordi le Gitan dans "Un Prophète" de Jacques Audiard ; Pauline Etienne n'est pas une vulgaire starlette et confirme sa prestation dans "Elève Libre" (et on la retrouvera prochainement dans "Le Bel Age") ; Vincent Rottiers est une promesse à lui seul ("A l'origine", "Je suis heureux que ma mère soit vivante") ; Delphine Chuillot reste à son niveau du chef d'oeuvre "La question humaine" ; et Dinara Droukarova confirme que sa palette est très étendue ("Coupable", "Transe", "Je pense à vous", "Pour aller au ciel il faut mourir").

Certes, parfois on perçoit un certain dolorisme, mais il ne faut pas hésiter et aller voir ce film, pour découvrir une réalisatrice au talent indéniable, pour apprécier une exigence cinématographique, pour aller voir une ribambelle d'acteurs impeccables, pour ressentir d'incroyables assauts émotionnels...