Suis-je un otage ?

Attaché, ficelé ?

Ces derniers temps, j'ai peu, contrairement à mes habitudes, commenté les actualités. Non pas que je m'en sois détaché, mais que je me suis senti mal à l'aise.

Je me rappelle ces commentaires qu'on entend à chaque fois qu'il y a une grève, voire même une manifestation, notamment dans le domaine des transports publics, commentaires qui reprochent aux agents de la SNCF et de la RATP d'être "pris en otage". L'image est très forte.

J'ai toujours pensé, et c'est ainsi qu'on me l'a enseigné, que le droit de grève était un droit fondamental, acquis de longue lutte, et qu'il faisait partie de nos valeurs fondamentales.

Je n'aime pas cette rhétorique de la "prise d'otage", qui me renvoie à des situations dramatiques, où la vie même est en danger, et peut-être même en sursis.

Pourtant, je me suis demandé si ma réflexion, à entrer de le jeu du commentaire des actualités, alors que je ne suis pas un journaliste, ne s'inscrirait volontairement aussi dans un statut d'otage. Et la pensée prise en otage, c'est une fin à laquelle il ne faut pas se résoudre.

Il y a eu le sommet de Copenhague, duquel je n'attendais strictement rien, parce qu'il n'y avait rien à en attendre. Il y a les critiques à l'encontre de Barack Obama qui, au prétexte de vouloir réformer un système de santé, est traité de nazi ou de stalinien. Il y a les agitations perpétuelles de l'actuel locataire de l'Elysée, qui demeureront jusqu'au terme de son mandat, et peut-être même de son éventuel second mandat. Il y a ce débat sur l'identité nationale, qui se décline désormais sur le niqab, les minarets en Suisse, dans un esprit de stigmatisation, et surtout de xénophobie grandissante. Il y a tristement la catastrophe haïtienne qui nous vaut des flots de compassion, évidemment louables, mais peut-être pas toujours sincères.

Et plus que tous ces sujets qui font la devanture des JT et des média dans leur ensemble, il y a tous les sujets qui ne sont pas, ou presque pas, abordés. Je songe aux scrutins régionaux qui arrivent, mais je songe aussi à des sujets fondamentaux que d'aucuns placent sciemment sous le tapis : éducation, pouvoir d'achat, santé, chômage... Plus largement, je pense à la destruction de ce qui est un des ciments fondamentaux de la société française, ses services publics.

Je vois s'opérer un rétrécissement de la "vue politique" au profit de "visions politiques", comme si nous ne devions désormais nous contenter, pour nous présider et nous gouverner, que de Bernadette Soubirous et de Fatima, en dehors donc de toute raison. Des "visions" ! Et me soustraire à la raison, ce serait, je crois, me laisser prendre en otage. Je n'y tiens pas.