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5 avril 2010

Tête de Turc

T_te_de_TurcTragédie en banlieue.

Un geste, et tout bascule. Un adolescent de 14 ans, un médecin urgentiste, un flic en quête de vengeance, une mère qui se bat pour les siens, un homme anéanti par la mort de sa femme voient leurs destins désormais liés. Alors que le médecin passe plusieurs jours entre la vie et la mort, les événements s'enchaînent et tous seront entraînés par l'onde de choc.

Pascal Elbé passe donc derrière la caméra. C'est plutôt une bonne idée, puisque sa filmographie en qualité d'acteur sous la direction d'Ariel Zeïton, Michel Boujenah, Nicolas Boukrief, Lorraine Lévy ou Alexandre Arcady ne méritait vraiment pas de s'inscrire au panthéon du cinéma français. En qualité de co-scénariste, son "Père & Fils" ne m'avait pas non plus particulièrement intéressé, pourtant sur un sujet, la paternité, qui m'intéresse particulièrement.

Il faut dire que Pascal Elbé regarde du côté de James Gray, et même s'il ne peut revendiquer un talent similaire (on pense au magnifique "La Nuit nous appartient") en évoquant une thématique similaire, rivalité entre deux frères, nous propose un film intéressant.

Nous sommes devant un thriller social qui essaie de ne pas être trop moralisateur, à la mise en scène bien charpentée, et un effort particulier apporté à la bande son. C'est sobre, fort, et suffisamment noir pour retenir l'attention. Les personnages sont suffisamment complexes pour qu'on s'y attarde, et sa description de la banlieue n'est pas une caricature, passant à côté des clichés habituels, ce qui lui permet d'être sensible mais pas angélique.

Il regarde aussi du côté de Francis Ford Coppola ("Tetro") en évoquant un ressort tragique très ancien : un homme peut être et l'agresseur, et le sauveur, tel Oedipe. Mais il multiplie les intrigues annexes au lieu de se concentrer sur cet adolescent tragique et sur cette rivalité entre les deux frères. Par exemple, l'histoire autour de Simon Abkarian ne sert pas le film, d'autant que le jeu de ce dernier reste très contestable.

La distribution force évidemment le respect. Samir Makhlouf incarne un adolescent tiraillé avec beaucoup de justesse. Roschdy Zem est magistral, et continue son bonhomme de chemin, tissant une carrière fort intéressante, pour apparaître parmi les meilleurs acteurs de sa génération. Il faut dire que ses collaboration avec André Téchiné ("J"embrasse pas" en 1991 ; "Ma saison préférée" en 1993 ; "Alice et Martin" en 1998), avec Pierre Jolivet ("Fred" en 1997 ; "Ma petite entreprise" en 1999 ; "Filles uniques" en 2003), avec Xavier Beauvois ("N'oublie pas que tu vas mourir" en 1996 ; "Le petit lieutenant" en 2005) étaient des choix intelligents. Laetitia Masson, Patrice Chéreau, Liria Begeja, Olivier Marchal et Radu Mihaileanu l'ont aussi dirigé avec beaucoup de talent. Ici, en flic qui ne perçoit, ou ne veut percevoir, que la dimension répressive en réponse aux difficultés dans une banlieue, il propose une interprétation particulièrement réussie.

Pascal Elbé propose à Florence Thomassin et à Ronit Elkabetz d'incarner ces mères qui élèvent seules leurs enfants dans ces banlieue, et essaie d'en faire un sorte de panégyrique (qui frise quand même le portrait caricatural de la "mère juive"), mais les deux actrices s'en sortent admirablement.

Florence Thomassin est la mère d'un adolescent accusée à tort, et elle y met toute sa sensibilité. Ses choix attestent de ce jeu particulièrement sensible et ambigu : "Mina Tannenbaum", "Beaumarchais", Dobermann", "Une affaire de goût", "Douches froides", "Président", "Soit je meurs, soit je vais mieux", "Mesrine". Quoi qu'elle fasse, elle est toujours touchante.

Ronit Elkabetz, c'est Ronit Elkabetz ! Immense actrice du renouveau du cinéma israélien, sorte de nouvelle Anna Magnani, qui avec son frère Shlomi, construit une carrière impeccable : "Mariage tardif" (2001), "Alila" (2003), "Mon trésor" (2004), "Prendre femme" (2005), "La visite de la fanfare" (2007), "Les sept jours" (2008), "Zion et son frère" et "Jaffa" (2009). En France, une belle participation à "La fille du RER" de André Téchiné. Elle endosse ici un très beau rôle de mère, forte et solide, pilier d'une famille fragile sans père, déterminée à ne voir en son fils que le sauveur et à aller chercher à la Préfecture la médaille qui lui revient, bien qu'il soit aussi l'agresseur. 

Au final, un film qui a l'immense mérite de décrire une banlieue difficile, mais en refusant d'en dresser un portrait caricatural, qui s'appuie sur une interprétation solide et percutante. Force est de constater que si on n'est pas chez James Gray ou Francis Ford Coppola, ces derniers restent de solides références, sur lesquelles Pascal Elbé a bien fait de s'attarder, sans toutefois pouvoir en retenir toute la condensation. Reste aussi le plaisir toujours renouvelé de voir Roschdy Zem et Ronit Elkabetz.

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