Fighter

La rédemption des autres.

Micky Ward est un jeune boxeur dont la carrière stagne. Il va rencontrer Charlene, une femme au caractère bien trempé, qui va l'aider à s'affranchir de l'influence négative de sa mère, qui gère maladroitement sa carrière, et de ses sœurs envahissantes.
Son demi-frère Dicky Eklund, lui, a connu la gloire sur le ring, il y a bien longtemps. C’était avant qu’il ne sombre dans la drogue, avant son séjour en prison.
Entre le sportif en quête d’un second souffle et l’ex-toxico, il y a longtemps que le courant ne passe plus. Trop de non-dits, d’échecs et de souffrances. Pourtant, parfois, les hommes changent, et Micky et Dicky vont peut-être avoir ensemble, la chance de réussir ce qu’ils ont raté chacun de leur côté…

David O. Russel m'avait beaucoup intéressé, en 2000, lorsqu'est sorti dans les salles "Les Rois du Désert". Depuis, il ne nous avait pas proposé de film très intéressant. Il revient aujourd'hui avec un film qui contient toute la liturgie de la boxe au cinéma. Sur le sujet, nous avons des références, avec "Rocky" (Stallone), "Raging Bull" (Scorsese), "Ali" (Mann). David O. Russel ne démérite pas, et trouve un angle de vue assez original : au lieu d'envisager la rédemption de son héros, il envisage, grâce à lui, celle de son frère et de sa mère.

La mise en scène est très dynamique, et les scènes sur le ring sont réussies. La métaphore est toujours là : un match de boxe reste une lutte pour la vie. Ce qu'il y a d'original aussi, c'est que le film est à la lisière du documentaire et du romanesque. Il y a le film, et dans le film, les souvenirs vidéo, la retransmission des matchs à la TV, et le tournage d'un reportage sur le frère aîné qui a sombré dans la drogue.

Nous sommes catapulté dans une Amérique trash, filmée de façon crue, voire cruelle, où la famille de Micky, et notamment ses sept soeurs et sa mère, qui sont presque effrayantes.

La distribution est parfaite. Melissa Leo est impeccable en matriarche hystérique et permanentée. Cette grande habituée des séries TV n'a rien de moins que 12 films à sortir en salles prochainement, et l'Oscar qu'elle vient de recevoir est hautement mérité. Nous l'avions vue dans "21 grammes" de Alejandro Gonzalez Inarritu en 2004, dans "Trois enterrements" de Tommy Lee Jones en 2005, dans "Frozen River" de Courtney Hunt en 2009, et dans "Welcome to the Rileys" de Jake Scott en 2010. A suivre absolument.

Christian Bale, surtout connu pour ses rôles de "Batman Bigins" et "The Dark Knight" de Christopher Nolan (2005 & 2008), et de Terminator, nous avait préalablement fait forte impression dans "American Psycho" de Mary Harron en 2000, puis dans "Le Nouveau Monde" de Terrence Malick en 2006, "3H10 pour Yuma" de James Mangold en 2008, et dans "Public Ennemies" de Michael Mann en 2009. Ici, il est poignant en écorché vif, s'approchant du talent d'un Kevin Bacon.

Mark Wahlberg, à qui échoit le rôle le plus complexe (et le moins "outrancier") au milieu de cette famille hors norme, sait incarner un homme courageux avec une sobriété exemplaire, aux antipodes de la "performance". Il a derrière lui, à 40 ans, une filmographie intéressante : "Boogie Nights" de Paul Thomas Anderson en 1998, "The Yards" de James Gray en 2000, "La Planète des Singes" de Tim Burton en 2001, "Braquage à l'italienne" de F. Gary Gray en 2003, "Les Infiltrés" de Martin Scorsese en 2006, "La nuit nous appartient" de James Gray en 2007, et Very Bad Cops" de Adam McKay en 2010. 

J'insiste sur Mark Wahlberg, car c'est selon moi un acteur particulièrement intéressant parmi les acteurs de sa génération. Une génération exceptionnelle, qui compte entre autres Matt Damon (1970), Ewan McGregor (1971), Ben Affleck (1972), Stephen Dorff (1973), Leonardo DiCaprio (1974), Tobey Maguire (1975), Casey Affleck (1975)... Mais Mark Wahlberg, selon moi, est le seul à avoir cette étonnante puissance physique.

Je conseille vivement ce film, âpre, tendu, intense. Une histoire de rédemptions qui vous colle au tapis, physiquement comme psychologiquement, et vous laisse KO. Mark Wahlberg, Christian Bale, Melissa Leo, Amys Adams (la petite amie) et John McGee nous administrent un réel coup de poing.