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La Vie ChonChon
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16 octobre 2011

Beauty (Skoonheid)

BeautyPasser à côté de sa vie.

François se déteste. Convaincu que sa vie est gâchée, il est pris de court quand une rencontre fortuite bouleverse son existence propre et rangée. Christian, 23 ans, est le fils d'un vieil ami. De l’avis de tous, il est l'incarnation parfaite du beau jeune homme dans la fleur de l'âge. François s’en trouve secrètement désarmé, consumé par une passion dévorante et une convoitise malvenue. S’étant toujours appliqué à se complaire dans le dégoût de lui-même, le voilà qui laisse sortir des émotions contenues depuis toujours, tentant désespérément d'obtenir de la vie ce qu'il a toujours désiré : le bonheur.

Pour son second long métrage (une co-production sud-africaine, française et allemande), après ""Shirley Adams" en 2009 sur la face cachée de la guerre des gangs, Olivier Hermanus plante de nouveau sa caméra dans la communauté afrikaner d'Afrique du Sud post-apartheid, et y observe avec crudité de sévères dérèglements : racisme insidieux, hypocrisie sociale, homophobie, identité sexuelle, homosexualité refoulée. Il ne juge jamais les comportements des uns et des autres, et le film avance dans une certaine froideur, même dans la description de la violence, et ce jusqu'aux drames finals. Olivier Hermanus se refuse à toute complaisance, à toute tentative de suggérer la moindre empathie, et ne cherche pas à excuser son personnage principal.

Le réalisateur préfère des plans contemplatifs qui laissent le spectateur se débrouiller avec les regards en coin, les silences, les non-dits, les ambiguïtés qui peuplent le film. Et cela contribue à construire un drame pesant de bout en bout.

Deon_LotzFrançois van Heerden (Deon Lotz) est un père de famille afrikaner, propriétaire d'une scierie qui marche bien, qui a une épouse avec laquelle il n'échange que des banalités, et deux filles dont le mariage de l'aînée ouvre le film de façon magistrale. Il cache en réalité son homosexualité, qu'il satisfait lors de partouzes aussi clandestine que pathétiques en blancs de la même condition sociale que lui. C'est cette incarnation impeccable de François qui nous permet de découvrir l'acteur Deon Lotz, qui porte la haine de soi à un point d'incandescence rarement vue au cinéma. Il est magistral lorsqu'il épie Christian Roodt (Charlie Keegan), le fils d'une vingtaine d'année d'un couple d'amis, et qui est devenu l'objet de tous ses désirs, son obsession. Comme personne, Deon Lotz nous contraint à observer un homme emmuré dans son mensonge et son silence, incapable de parler de parler même avec son médecin, dévoré par une jalousie qui suscitera une extrême violence, ne laissant presque pas paraître sa tendresse, sauf lorsqu'il va, seul, acheter in iPod pour l'offrir à Christian.

Charlie_KeeganPour incarner ce nouveau Tazzio, ce Christian objet des désirs sentimentaux et physiques brûlants de François, il fallait un acteur d'une implacable beauté. Charlie Keegan répond aisément à ce critère essentiel, comme les photographies de son "composite" de mannequin l'attestent. Il n'est pas que beau. Qu'il soit observé par François lors des repas en famille, à l'université parmi ses amis, à la plage avec la fille cadette de François, il parvient à multiplier des sourires et des regards ambigus, sciemment ou involontairement, on ne le saura jamais. Pour montrer ce qui pourrait être une ambiguïté (force est d'utiliser le conditionnel), Olivier Hermanus manie subtilement le jeu du champ-contrechamp voyeur de François épiant le jeune homme. Il serait étonnant que le cinéma étasunien ne s'empare pas rapidement de la plastique et du talent de Charlie Keegan.

Pour compléter la distribution, il y a d'une part la famille de François, avec Michelle Scott (Elena, son épouse), et Roeline Daneel (Anita, sa fille, et camarade de Christian), et d'autre part la famille de Christian, avec Sue Diepeveen (Marika, sa mère) et Albert Martiz (Willem, son père). Il sont tous excellents et contribuent à toute la pesanteur du film, même dans des rôles plus en retrait.

L'intérêt suscité par "Beauty" aux Festival de Cannes (section Un Certain Regard) et de Zurich est pleinement justifié. Le travail de Olivier Hermanus est remarquable, l'interprétation de Deon Lotz exceptionnelle. A Cannes ce fut la "Queer Palm" pour le réalisateur, à Zurich le Prix "Mention Spéciale" pour son interprète. Et je trouve que sa sélection aux Oscars pour le meilleur film étranger est elle aussi justifiée.

Le final du film signe froidement cette tragédie, et va au-delà encore de la "fameuse" scène de viol qui l'a précédé, d'une violence inouïe. François, par peur, et dévoré par la force de ses désirs, est passé à côté de sa vie, et semble nous dire comme Grisélidis Réal : "la vie est un assassinat permanent".

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