Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Vie ChonChon
La Vie ChonChon
Derniers commentaires
Archives
20 novembre 2011

Les Neiges du Kilimandjaro

Les_Neiges_du_KilimandjaroL'amitié, l'amour, la solidarité, le pardon... la vie !

Bien qu’ayant perdu son travail, Michel vit heureux avec Marie-Claire. Ces deux-là s’aiment depuis trente ans. Leurs enfants et leurs petits-enfants les comblent. Ils ont des amis très proches, notamment Denise et Raoul, qui constituent leur famille leur plus proche. Ils sont fiers de leurs combats syndicaux et politiques. Leurs consciences sont aussi transparentes que leurs regards. Ce bonheur va voler en éclats lors d'une repas en famille, devant deux jeunes hommes armés et masqués qui les frappent, les attachent, leur arrachent leurs alliances, et s’enfuient avec leurs cartes de crédit et la cagnotte que leur ont offert les collègues et amis de Michel et Marie-Claire pour leurs 30 ans de mariage… Leur désarroi sera d’autant plus violent lorsqu’ils apprennent que cette brutale et traumatisante agression a été organisée par l’un des jeunes ouvriers licenciés avec Michel, Christophe.

Depuis 1980, Robert Guédiguian fait parti du paysage cinématographique français. Depuis 1995, j'ai vu tous ses films : "A la vie, à la mort", "Marius et Jeannette" en 1997, "A la place du coeur" (1998, "A l'attaque !" (2000), "La ville est tranquille" (2001), "Marie-Jo et ses deux amours" (2002), "Mon père est ingénieur" (2004), "Le promeneur du Champ de Mars" (2005), "Le voyage en Arménie" (2006), "Lady Jane" (2008), "L'armée du crime" (2009). Je regarde aussi d'un oeil avisé les réalisateurs dont il produit parfois les films : Ducastel & Martineau, Amos Gitaï, Laurent Achard, Hiner Saleem, Eléonore Faucher.

"Les Neiges du Kilimandjaro" est une chronique sociale, au coeur même de ce que Robert Guédiguian réussit le mieux, collant à la réalité du contexte économique, avec authenticité. C'est un film de crise où les repères des personnages s'effondrent, auquel le réalisateur apporte une réponse volontairement utopiste, et auquel il imprime sa petite musique humaniste et populaire. Il prend le parti de faire de sa fable militante un film réellement revigorant, mais en restant toujours incisif, fouillant les plaies jusqu'à l'os.

Au delà du trio Ariane Acaride (Marie-Clairre), Jean-Pierre Darroussin (Michel), et Gérard Meylan (Raoul), on retrouve Marilyne Canto (Denise), l'actrice fétiche de Dominique Cabrera qui s'affirme comme un très solide second rôle du cinéma français : Boisset, Klapisch, Ruiz, Garrel, Klapisch, Bilal, Biette, Améris, Salvadori, Chabrol, Fitoussi, Ducastel & Martineau l'ont déjà dirigée.

La générosité de Robert Guédiguian lui permet d'ouvrir son film, comme il l'avait déjà fait dans "L'armée du Crime" en 2009, puisqu'il retrouve Grégoire Leprince-Ringuet (Christophe, le jeune ouvrier liciencier qui participe à l'agression), Adrien Jolivet (le serveur du bar), Robinson Stévenin (le commissaire). Sont aussi présents Anaïs Demoustier (Flore), Karole Rocher (la mère de Christophe), et Julie-Marie Parmentier (Agnès, la voisine de Christophe).

Julie-Marie Parmentier s'est déjà illustrée dans "La vie ne me fait pas peur" de Noémie Lvovsky, "Les blessures assassines" de Jean-Pierre Denis, "La vie est tranquille" de Robert Guédiguian (!), "Marie Jo et ses deux amours" de Robert Guédiguian (!!), "Les petits ruisseaux" de Pascal Rabaté, "No et moi" de Zabou Breitman. Retrouvailles, donc.

Karole Rocher assume le difficile rôle de la mère de Christophe, qu'elle a eu à 16 ans, bien avant d'avoir deux autres enfants avec un autre homme dont Christophe a la charge, parce que cette femme n'a pas la fibre maternelle, et que pour des circonstances particulières, n'entend pas éteindre sa vie de femme. Elle est, comme toujours, impeccable. Actirce fétiche de Sophie Verheyde, elle a joué deux fois sous la houlette de Maïwenn ("Le Bal des Actrices" et "Polisse"), mais aussi pour Christian Vincent, Anne Fontaine, et plus récemment dans "Bus Palladium" de Christopher Thomson, "Les yeux de ma mère" de Thierry Klifa. Elle est bouleversante dans "sa" scène sur le quai au pied du bateau sur lequel elle travaille. Vous vous en souviendrez.

Adrien Jolivet a été révélé dans "Zim & Co" de son père Pierre Jolivet où il était parfait. Il a enchaîné avec "Après lui" de Gaël Morel, "La très grande entreprise" de Pierre Jolivet, "Noir Océan" de Marion Hänsel. Il est très à son aise dans le monde de Robert Guédiguian.

Pierre Niney a un petit rôle, mais quel rôle ! Ila précédemment joué dans "L'Autre Monde" de Gilles Marchand, "J'aime regarder les filles" de Frédéric Louf, et donnera bientôt la réplique à François-Xavier Demaison et Nicolas Duvauchelle dans ""Comme des Frères" de Hugo Gélin. Pierre Niney est une espèce de comédien surdoué, pensionnaire de la Comédie Française. Ici, dans une scène magnifique, ou Marie-Claire (Ariane Ascaride) entre dans un café pour boire un verre, il n'est "que" le serveur. Croyant qu'elle a un chagrin d'amour, il lui suggère une Marie-Brizard, en lui expliquant pourquoi. Lorsqu'elle lui dit qu'elle n'a qu'un "chagrin de vie", il lui propose un Metaxa, une boisson grecque. Et l'on sent tout l'hommage de Robert Guédiguian au peuple grec, avec cette boisson datant de 1888, créée par Spyros Metaxas, à base d'eau-de-vie de vin et de trois vins de Muscat venant de Samos, Lemnos, et Patras, vieillis dans des fûts de chêne importés du Limousin, auxquels on ajoute des arômes végétaux à base de pétales de roses. Quelle scène ! Admirable.

Enfin, Grégoire Leprince-Ringuet dans le rôle le plus difficile du film, celui du jeune ouvrier licencié, qui a ses deux petits frères à sa charge, et qui participe à l'agression de Michel, sa femme et ses amis, pour obtenir finalement... 1500€. Grégoire Leprince-Ringuet nous vient du Choeur de l'Opéra de Paris, puis du théâtre où le "Woyzeck" mis en scène par Patrice Chéreau au Théâtre du Châtelet l'a fait remarquer. Depuis, "Les Égarés" d'André Téchiné, "Selon Charlie" de Nicole Garcia, "La vie d'artiste" de Michel Fitoussi, "Les Chansos d'Amour" et "La Belle Personne" de Christophe Honoré, "Roses à crédit" de Amis Gitaï, "L'Autre Monde" de Gilles Marchand, "La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier. Ici, c'est autour de son personnage que la solidarité, la fraternité, l'amitié seront mises à l'épreuve. Et il porte le rôle avec le talent qu'on lui connaît.

Robert Guédiguian nous livre donc un film qui est une ode à la générosité et au pardon, un hymne à l'amitié, un hommage aux combats syndicaux. En parallèle, une superbe histoire d'amour sur le fond d'une réalité sociale difficile. On regarde ce film solidaire la gorge serrée et le sourire aux lèvres, comme devant un film de Mike Leigh. Quelle prouesse que de tirer de la fracture du monde ouvrier un film qui va fracturer le coeur des bourgeois !

Nous ne nous étions peut-être pas suffisamment rendu compte que Robert Guédiguian et ses acteurs nous étaient indispensables.

Publicité
Commentaires
La Vie ChonChon
Publicité
Publicité