Les Invisibles

Des hommes et des femmes, nés dans l'entre-deux-guerres. Ils n'ont aucun point commun sinon d'être homosexuels et d'avoir choisi de le vivre au grand jour, à une époque où la société les rejetait. Ils ont aimé, lutté, désiré, fait l'amour.

Aujourd'hui, ils racontent ce que fut cette vie insoumise, partagée entre la volonté de rester des gens comme les autres et l'obligation de s'inventer une liberté pour s'épanouir.

Ils n'ont eu peur de rien...

Bien que le principal thème abordé soit l’homosexualité, le titre "Les Invisibles" renvoie aussi aux personnes âgées. Partant du constat que la presse ne s’intéresse que très peu aux personnes de cette classe d'âge et que la presse spécialisée ne s'adresse qu'aux homosexuels trentenaires, les plus de 70 ans seraient ainsi les grands oubliés de notre société, ne disposant d'aucune représentation. Sébastien Lifshitz ("Presque rien" en 2000 ; "La Traversée" en 2001 ; "Wild Side" en 2003, absolument magnifique ; "Plein Sud" en 2008) décide ici de briser ce silence.

C'est pendant près de deux ans que le réalisateur a recherché des hommes et des femmes de plus de 70 ans, prêts à raconter leurs vies face à une caméra. Comme c'est le cas pour beaucoup de documentaires, afin de ne pas produire un film trop long, le montage final n'a pris en compte qu'une petite partie du résultat de ses recherches.

En utilisant le format scope et en jouant sur l'intervention de la musique, le réalisateur a voulu donner un aspect romanesque aux témoignages. Il souhaitait s'éloigner le plus possible du reportage pour amener son film du côté du cinéma de fiction. L'aspect pictural des paysages et des intérieurs agit beaucoup sur la narration et transforme les personnes interrogées en véritables héros.

Le réalisateur déclare : "Ce film rend hommage à toutes ces personnes qui, par le simple fait d’avoir vécu aussi librement, ont permis que nous ayons les libertés que nous connaissons aujourd’hui. Il faut rappeler le combat qui a été mené, raconter les ennemis de toujours, la pensée réactionnaire qui n’attend que de pouvoir réapparaitre. Il n’y a jamais rien d’acquis."

Par ailleurs, il ajoute : "Je suis dans une génération qui n’est pas tellement politisée : on n’a pas connu la guerre, ni ces combats de lutte sociale. Mais finalement, en écoutant les récits et les combats des personnes interrogées, je me dis que ça a dû être de grands moments ! La réalisation de ce film m’a fait vraiment prendre conscience de ça."

Une émouvante galerie de portraits d'hommes et de femmes qui n'eurent peur de rien ou presque et qui accèdent enfin à la lumière. L'exigeante sincérité avec laquelle Sébastien Lifshitz a abordé son sujet lui permet d'offrir aux participants la très belle possibilité de se raconter, entre un passé remémoré et un présent embrassé, une histoire qui n'appartient qu'à eux.

Un documentaire beau et bouleversant sur les parcours d'hommes et de femmes, tous nés dans l'entre-deux-guerres et homosexuels. Porté par un propos militant, "Les Invisibles" est avant tout un magnifique film sur l'amour. L'humanité qui se dégage de ces portraits émouvants et plein d'entrain est un cadeau.

Le Grand Prix du Documentaire au Festival Chéries-Chéris 2012 est amplement justifié.