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26 novembre 2011

Contracorriente

ContracorrienteAmour et recherche de soi.

Miguel est un jeune pêcheur, très apprécié et bien intégré à Capo Blanco, un petit village avec de fortes traditions catholiques sur la côte Nord du Pérou. Marié à Mariela qui attend leur premier enfant, Miguel vit secrètement une histoire d’amour passionnée avec Santiago, un beau et mystérieux peintre qui vit à l'écart du village...
Santiago meurt, et revient en fantôme...

Parmi les 23 films qui sont sortis cette semaine, j'attendais avec impatience "Contracorriente" (qui date de 2009), car j'avais lu qu'il avait été sélectionné dans des dizaines de festivals internationaux, recevant un total de 16 prix, notamment un Prix du Jury à Sundance. Il s'agit du premier film de Javier Fuentes-Leon (qui en est le scénariste, le réalisateur, le chef monteur et le producteur).

Bizarrement, aux USA les producteurs n'ont pas voulu s'engager dans le financement de ce scénario qui venait de Pérou, parce qu'il percevaient mal un film dont le sujet est l'homosexualité. Ce sont donc d'abord La France et l'Allemagne (avec des fonds spécifiques destinés à l'aide à la production de films venus de pays "en voie de développement"), puis le Pérou et la Colombie qui y ont pourvu.

Il s'agit d'une histoire d'amour contrariée. Mais le film va au-delà de cette thématique : il s'interroge sur la masculinité latine et son machisme atavique, et sur le rôle de l'homme dans les familles traditionnelles. Certes, l'homosexualité y est un questionnement très présent, surtout lorsqu'elle n'est pas "assumée", mais au travers de deux sortes de préjugés : d'une part les "préjugés externes" occasionnant différentes formes d'oppression et de rejet, d'autre part les "préjugés internes" autrement dit les difficulté de Miguel à accepter pleinement qui il est, et son orientation sexuelle. 

Javier Fuentes-Leon n'utilise pas les armes de la provocation, mais celles du mélodrame, un pied dans le naturalisme et un pied dans la poésie, faisant de son film une histoire universelle sur l'amour et la recherche de soi.

La mise-en-scène est très délicate, la photographie et les cadres magnifique, et la musique sert les propos du film, sans jamais l'alourdir. Les paysages péruviens, leurs montagnes, leurs plages, leurs lumières, leur vent... sont une composante importante du film, très intéressante car rare au cinéma.

Dans le rôle de Marieta, l'épouse de Miguel, Tatiana Astengo est parfaite de sensibilité, éprise de son époux, heureuse d'être enceinte et proche d'accoucher, mais désorientée par ce qu'elle devine de l'identité cachée de Miguel, tiraillée entre sa volonté d'aller au-delà et la contrainte que fait peser sur eux le regard d'autrui sur lui.

Mercado___CardonaCristian Mercado (Miguel) et Manolo Cardona (Santiago), sont des acteurs très connus dans leur pays respectif, la Bolivie et la Colombie. Et ils ont pris un risque réel à assumer ces rôles, leurs pays étant moins "libertaires" que les nôtres. Dans son rôle difficile, Cristian Mercado est excellent, jouant tout en délicatesse ses hésitations, son incompréhension de soi-même, sa difficulté de pouvoir exprimer sa joie d'être père ET son amour passionné pour Santiago.
Manolo Cardona, quant à lui, et que ce soit lorsqu'il est vivant ou lorsqu'il revient en fantôme que seul Miguel peut voir et entendre, assume toute la dimension poétique du film, définitivement convaincu que seul son amour absolu peut et doit tout vaincre.
Tous deux, et même si c'est un exercice périlleux, sont superbement filmés par Javier Fuentes-Leon, y compris lors des scènes d'amour, dont l'une rappelle un peu "Tant qu'il y aura des hommes" (!). Le réalisateur les confronte toujours aux "éléments", la terre, le vent, l'eau, le soleil... et c'est très réussi. 

Avec son très bel épilogue, c'est une très belle fable surnaturelle (Santiago, le peintre, meurt puis revient en fantôme) aux élans universels à laquelle nous invite Javier Fuentes-Leon, qui se révèle être un réalisateur très prometteur. Il me tarde de voir les deux projets qu'il prépare.

Difficile de trouver en 2011, si ce n'est plus loin encore dans le temps, un film d'amour susceptible de rivaliser en originalité, en beauté, en force, en audace et en pudeur avec cette pépite venue du Pérou.

Ce n'est pas "A single man" de Tom Ford (la perfection !), mais c'est à placer à côté de "Les Amours Imaginaires" de Xavier Dolan, "Jamais sans toi" de Aluisio Albranches, "Nuit d'ivresse printanière" de Lou Ye, "Canine" de Giorgio Lanthimos, et surtout "Tu n'aimeras point" de Haim Tabakman. 

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