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La Vie ChonChon
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9 janvier 2012

Take Shelter

Take_ShelterHallucination ou prémonition ?

Curtis LaForche mène une vie paisible avec sa femme Samantha et sa fille Hannah quand il devient sujet à de violents cauchemars. La menace d'une très violente tornade l'obsède. Des visions apocalyptiques envahissent peu à peu son esprit. Son comportement inexplicable fragilise son couple et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...

Evoquer l'apocalypse semble être devenu une thématique essentielle di cinéma étasunien. Mais il faut tout le talent d'un Terrence Malick avec "The Tree of Life", d'un Lars Von Trier avec "Melancholia", ou d'un Bela Tarr avec "Le Cheval de Turin", pour en tirer un film intéressant, et même davantage. Et c'est tout le bien que j'ai pensé de "Shotgun Stories" (2008), le premier film de Jeff Nichols qui m'a fait penser que ce pourrait ici être le cas.

Et c'est peu de chose de dire que j'attendais avec impatience la sortie de son deuxième opus tant son premier m'avait convaincu, car il il y avait particulièrement réussi à évoquer l'Amérique profonde et l'éclatement d'une fratrie. Les critiques m'ont précédé puisque "Take Shelter" est couvert de prix. A Cannes 2011, il est revenu avec le Prix de la semaine de la critique, le Prix de la SACD, le Prix FIPRESCI, et le Prix de la Critique Internationale. Suivirent le Grand Prix à Deauville 2011, Le Prix du meilleur film (la Méduse d'Or) à Nice 2011, le Prix de la critique à Valenciennes 2011, le Prix du meilleur film (l'Oeil d'Or) à Zurich 2011... Ces prix sont selon moi justifiés.

Si le film est passionnant, c'est parce Jeff Nichols sait allier une "tempête sous un crâne" à l'idée de "2012, année apocalyptique", comme s'il voulait jouer à la fois sur les tableaux de la singularité d'une part, et de l'universalité d'autre part, en nous menant par le bout du nez, avec une tension digne d'un excellent thriller.

Le réalisateur filme jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'au délire, la confiance qu'il souhaite que nous accordions à son personnage, se rapprochant de plus en plus de son personnage avec sa caméra, et même au plus près de son visage, afin de nous troubler et de nous interroger.

Car il ne s'agit pas uniquement de savoir si nous sommes devant une paranoïa et un dysfonctionnement psychologique ou devant une espèce de "prémonition" devant des constats incontestables : crise économique, USA en perte de repères, crise existentielle, crise de couple... S'entremêlent donc le fantastique et l'observation. La frontière entre le rationnel et l'irrationnel n'est jamais fixée par le réalisateur, et c'est jubilatoire pour le spectateur que de demeurer dans cet entre-deux, qui capte l'esprit d'une époque, et peut-être d'une génération.

Le film a été tourné dans l'Ohio, région fréquemment balayée par de violentes tornades, et Jeff Nichols sait tirer le meilleur du ciel et ses changements, dans une façon de filmer souvent proche de celle de Terrence Malick. Et c'est magnifique.

Michael_ShannonIl fallait l'ampleur de Michael Shannon pour porter le rôle de Curtis LaForche. C'est un acteur que j'avais remarqué grâce à un réalisateur qui m'est particulièrement cher : John Waters. En effet, c'est dans "Cecil B. Demented" que je l'ai découvert en 2000. Depuis, sa filmographie n'a cessé, même si je ne l'ai pas suivie de très près, et pour cause : "Tigerland" de Joeil Schimacher (2001), "Pearl Harbour" de Michael Bay (2001), "Vanilla Sky" de Cameron Crowe, trois films que je n'ai pas vus. Vinrent ensuite une série de films que j'ai vus : "8 Mile" de Curtis Hanson" (2003), "World Trade Center" de Oliver Stone (2006), "Bug" de William Friedkin (2007), "7H58 ce matin-là" de Sidney Lumet (2007), "Shotgun Stories" de Jeff Nichols (cité ci-dessus) et "Les Noces Rebelles" de Sam Mendes (2009). Et il faut noter qu'il a déjà tourné 12 films qui sortiront au fil des mois à venir. Deux films sous la houlette de son ami James Franco, "Premium Rush" face à Joseph Gordon-Levitt de David Koepp, "Dans l'oeil d'un tueur" de Werner Herzog, "13" de Gela Babluani (remake de "13 Tzameti", superbe film français injustement passé inaperçu), "Mud" de Jeff Nichols dqu'il retrouvera pour la troisième fois, "Ironman" de Ariel Vromen, "Man of steel" de Zack Snyder, etc... Bref, vous êtes devant un acteur majeur.

Dans le rôle de son épouse Samantha, on retrouve la belle Jessica Chastain qui était cantonnée à la TV de 2003 à 2008, et dont 2011 aura été la grande année, à commencer par "The tree of life" de Terrence Malick, mais aussi avec "L'affaire Rachel Singer" de John Madden, "La couleur des sentiments" de Tate Taylon, et le très récent "Killing Fields" de Ami Canaan Mann la fille de l'immense Michael Mann. Incontestablement, elle s'est inscrite durablement dans le paysage cinématographique étasunien. On la retrouvera bientôt sous la houlette de Ralph Fiennes, Al Pacino, Kathryn Bigelow, Hohn Hillcoat, Terrence Malick. Ici, elle est parfaite, à la fois aimante et attentive à son époux qui semble perdre pied, à la fois déboussolée et semblant prête à le lâcher.

Dans des seconds rôles, on découvre Tova Stewart dans le rôle de Hannah, la fille sourde-muette de Curtis et Samantha, dans un rôle très délicat, qu'elle tient sans jouer à l'enfant prodige. On retrouve Shea Whigham dans le rôle de Dewart, le collègue de Curtis. je l'avais découvert en 2005 dans "Les Seigneurs de Dogtown" excellent film de Catherine Hardwicke. Je l'ai revu dans "Le prix de la loyauté" de Gavin O'Connor (2008), "La Conspiration" de Robert Redford (2010), "Machete" de Robert Rodriguez (2010), "La Défense Lincoln" de Brad Furman (2011), et enfin face à Sean Penn dans "This must be the place" de Paolo Sorrentino (2011). C'est un excellent rôle. Enfin, dans le rôle de Sarah, la mère de Curtis, on retrouve Kathy Baker. Sa carrière à la télévision est impressionnante, et même si au cinéma Tim Burton, Bruce Robinson, Lasse Hallström, Robert Duvall, Abthony Minghella, Spike Lee et Rodrigo Garcia lui ont déjà fait confiance, sans que cela ne fase décoller réellement sa carrière. On la retrouvera prochainement dans "Machine Gun Preacher" de Marc Forster, face au même Michael Shannon.

"Take Shelter" est un film qu'il faut aller voir dès lors qu'on est prêt à y voir autre chose qu'un "film fantastique". C'est un film qui dresse habilement une métaphore impressionnante des USA d'aujourd'hui, admirablement filmé et interprété, qui tient en haleine de bout en bout. C'est intense, envoûtant, fascinant. En outre, on y voit la confirmation que Jeff Nichols s'impose comme un des grands talents du nouveau cinéma étasunien, et que les carrières de Michael Shannon et de Jessica Chastain s'installent durablement.

C'est une oeuvre qui vous hantera durablement. Et utilement.

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