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1 octobre 2012

Compliance

Compliance

Manipulation.

Lors d’une journée particulièrement chargée, Sandra (Ann Dowd), gérante d’un fast-food d’une banlieue de l’Ohio reçoit l’appel d’un policier accusant l’une de ses employées d’avoir volé une cliente.

Le croyant sur parole, parce qu'il affirme être l'agent Daniels (Pat Healy) Sandra place alors la jeune Becky (Dreama Walker) sous surveillance, entrant ainsi dans une situation qui va bientôt tous les dépasser.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l'histoire que raconte Craig Zobel dans son film s'inspire d'un fait divers. En 2004, aux États-Unis, un homme appelle la gérante d'un fast-food pour lui signaler un vol commis par l'une de ses employées. L'homme se présente comme étant un policier alors que ce n'est pas le cas. En 10 ans, il aurait passé 70 appels dans des endroits différents, désignant à chaque fois des coupables qui étaient toujours des victimes prises au piège, et les plaçant ainsi dans des situations humiliantes. Il fut arrêté peu après l'affaire du fast-food.

Filmer des gens en train de se parler au téléphone a toujours été un défi pour les cinéastes. Mais lorsque le film ne repose que sur cette action, il faut redoubler d'inventivité pour ne pas ennuyer le spectateur. Le réalisateur l'explique bien : "Je crois que l'une des choses les plus ennuyeuses à tourner ou à regarder au cinéma sont deux personnes qui se parlent au téléphone. Tous les plans étaient donc minutieusement préparés pour ne pas faire que des plans d'ensemble". Ce défi, qui consiste à rendre une simple conversation téléphonique intéressante à regarder, a attiré bien d'autres cinéastes. On peut par exemple citer Joel Schumacher, qui força Colin Farrel à rester en ligne dans une cabine téléphonique pendant 1h20 dans "Phone Game" (2002).

La distribution est remarquable. Ann Dowd dans le rôle de Sandra ("Philadephia" de Jonathan Demme en 1984, un nombre incalculable de participations dans des séries TV, "Le jour où je l'ai rencontrée" de Gavin Wiesen en 2011, et que nous verrons prochainement dans "Bachelorette" de Leslye Headland) est remarquable, glissant peu à peu vers l'obéissance aveugle à son manipulateur.

Dreama Walker (découverte dans Grand Torino" de Clint Eastwood en 2008) est une Becky troublée, effrayée, embarquée vers l'indicible à cause du manipulateur au bout du fil. Ashlie Atkinson (vue notamment dans "Inside Man de Spike Lee & "Another Gay Movie de Todd Stephens en 2006), dans le rôle de Marti, l'adjointe de Sandra, reste dans une espèce d' "entre deux", à la fois circonspecte mais se sentant contrainte d'obéir à sa supérieure hiérarchique.

Philipp Ettinger dans le rôle du jeune Kevin, collègue et ami de Becky, reste le seul qui dès le départ est rétif à obéir à des ordres qu'il ne comprend pas parce qu'il est convaincue de l'innocence de Becky, et qui tourne les talons à ce processus infâme de manipulation et d'obéissance. Il joue actuellement dans la série "Girls" de Judd Apatow, et je pense que nous le retrouverons sur grand écran. Bill Camp, dans le rôle de Van, le fiancé de Sandra, est admirable dans le rôle de celui qui obéira jusqu'à l'inconcevable, jusqu'au drame. Enfin, c'est Pat Healy qui joue le supposé Agent Daniels, un rôle extrêmement délicat et difficile (qu'il ne voulait pas assumer au départ, et qu'il refusa), s'en sort admirablement.

"Compliance" est un film coup de poing qui décortique cliniquement un fait divers mettant en lumière la propension toujours intacte, et ce quelles que soient les leçons de l'Histoire, de l'obéissance humaine face à l'autorité, au pouvoir et à l'ordre établi. C'est un huis clos, un drame psychologique interprété avec justesse, sous tension et suffocant sur le pouvoir de persuasion, la manipulation et la perversion, sur l'obéissance qui en découle. Craig Zobel insuffle réellement, c'est à dire qu'on le ressent physiquement, le malaise dans ce drame terrifiant et efficace.

Peu à peu, le spectateur vit un malaise qui fait froid dans le dos et le film lui propose une réflexion passionnante sur notre déférence naturelle envers l'autorité. Un film que je recommande vivement.

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