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25 février 2013

5 Caméras Brisées

 

5 caméras brisées

La colonisation sans fin de la Cisjordanie, en Palestine, par l'Israël.

Emad, paysan, vit à Bil’in en Cisjordanie.

Il y a cinq ans, au milieu du village, Israël a élevé une "barrière", puis un "mur de séparation" qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour "protéger" la colonie juive de Modi’in Illit, prévue pour 150 000 résidents.

Les villageois de Bil’in s’engagent dès lors dans une lutte non-violente pour obtenir le droit de rester propriétaires de leurs terres, et de co-exister pacifiquement avec les Israéliens.

Dès le début de ce conflit, et pendant cinq ans, Emad filme les actions entreprises par les habitants de Bil’in. Avec sa caméra, achetée lors de la naissance de son quatrième enfant, il établit la chronique intime de la vie d’un village en ébullition, dressant le portrait des siens, famille et amis, tels qu’ils sont affectés par ce conflit sans fin.

On n'avait jamais évoqué de manière plus intime et précise la question des colonies israéliennes et leurs conséquences sur le terrain. Démonstration éclatante due à un Arabe (Emad Burnat) et à un Juif (Guy Davidi) oeuvrant en toute harmonie.

Pendant cinq ans donc, le réalisateur Emad Burnat a vécu au quotidien avec sa caméra pour témoigner des événements qui secouaient la vie de son village, une cohabitation permanente pas toujours évidente : "La présence de la caméra a parfois empêché les soldats israéliens d’utiliser la violence. Mais ce n’a pas toujours été le cas. Ainsi, les balles ont cassé certaines de mes caméras et, le jour où j’ai été arrêté, c’est parce que je filmais. Donc, parfois, ma caméra a été une alliée, et, à d’autres moments, elle a provoqué des situations douloureuses pour ma famille et moi."  Le titre, "5 Caméras Brisées", est dû au fait que durant ces cinq ans de tournage au quotidienn cinq caméras ont été détruites par Tsahal, l'armée israélienne. À chaque fois le réalisateur les a remplacées pour pouvoir continuer de filmer.

Les caméras successives captent avec crudité ce qu'on n'a pas l'habitude de voir, ce qui se passe d'ordinaire en toute impunité, quand les journalistes sont partis, et c'est en cela qu'il constitue un remarquable témoignage.

Ce film - indispensable selon moi - a rencontré un franc succès dans les festivals, où il a reçu de très nombreux prix en 2012, parmi lesquels, notamment, le Prix de la Réalisation Documentaire à Sundance, le Prix du Meilleur Documentaire au Jerusalem Film Festival et au Rooftop Films de New York, le Prix Spécial du Jury ainsi que le Prix du Public au Festival International du Documentaire d'Amsterdam. Il a même été sélectionné à Sundance aux Oscars dans la catégorie "Meilleur Documentaire".

Emad Burnat filme pour son dernier-né, et le petit Gibril grandit au fur et à mesure que les images sont de plus en plus graves et pesantes ; mais le réalisateur reste conscient qu'au travers du fils, le spectateur perd lui aussi sa naïveté. On peut penser au travail de Hervé Guibert se filmant jour après jour pour "mieux" se voir agoniser du sida, et à celui de Jonathan Caouette pour "Tarnation" et "Walk Away Renée", car même si les sujets sont incomparables, le travail analytique est le même.

Malgré l'obscurité dans la salle, j'ai pu écrire quelques bribes du textes que pose Emad Burnat sur ses images, et qui valent bien davantage que mes modestes commentaires : "Il est dangereux de trop rêver" ; en pensant à son fils "Nous cherchons à effacer les traces de l'enfance, c'est la colère qui reste" ; après les bombardements de l'Israël sur la bande de Gaza et les morts civils qui s'ensuivirent "Mon village porte le deuil de Gaza" ; "Je filme pour guérir" ; "Guérir est une lutte et une obligation" ; etc... Rarement la mélancolie fut si bien exprimée.

Ce film provoque un profond sentiment d'injustice et d'impuissance. Comme les cinq caméras d'Emad Burnat, ce documentaire brise le coeur. "5 Caméras Brisées" est absolument remarquable parce qu'il est militant : il relate la lutte pacifique de gens humbles face à une effroyable machine de terreur. Porté par la musique du Trio Joubran, ce documentaire bouleversant porte en lui toute la puissance 
du genre documentaire. Un récit tragique, qui ébranle profondément. Un cri de survie lucide et rare.

 

=> Emad Burnat témoigne encore aujourd'hui de la situation de son village, Bil'in : "Même si une partie de nos terres nous ont été restituées, tous les habitants n’ont pas récupéré les leurs. De plus, beaucoup d’arbres ont été détruits par les bulldozers ou brûlés. Les gens sont donc obligés de trouver un autre travail pour nourrir leur famille. Il faudra encore beaucoup de temps et d’argent pour replanter et pouvoir recommencer à cultiver et récolter."

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