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2 septembre 2013

Alabama Monroe

Alabama Monroe

L'amour après la mort de son enfant...

Didier (Johan Heldenbergh) et Élise (Veerle Baetens) vivent une histoire d'amour passionnée et rythmée par la musique. Lui, joue du banjo dans un groupe de Bluegrass Country et vénère l'Amérique. Elle, tient un salon de tatouage et chante dans le groupe de Didier.

De leur union fusionnelle naît une fille, Maybelle (Nell Cattrysse)...

C'est le bonheur jusqu'au jour où Maybelle est atteinte d'un cancer qui finalement lui sera fatal. Le couple magnifique que forment Didier et Élise survivra-t-il à ce drame ?

J'avais vu et beaucoup aimé "La Merditude des Chose", le précédent film de Félix Van Groeningen sorti en 2009, que j'avais ici encensé. Et c'est donc avec enthousiasme aue je suis allé voir son deuxième film, "Alabama Monroe".

Heldenbergh et Baetens

Le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre écrite par Johan Heldenbergh (qui interprète Didier) et Mieke Dobbels, "The Broken circle breakdown featuring the Cover-Ups of Alabama", qui a connu un énorme succès en Belgique flamande et aux Pays-Bas. Félix Van Groeningen a été tellement bouleversé par cette histoire d’amour qu'il a demandé aux auteurs l'autorisation d'en faire un film. Ces derniers n’ayant pas souhaité collaborer à l’écriture du scénario, le réalisateur s’est associé à Carl Joos pour l'aider à adapter la pièce : "Elle avait tellement de niveaux différents, j’avais le sentiment que je n’y arriverais pas. Mais finalement, mon impression première m’a permis d’en venir à bout. J’avais tellement été touché que je savais que, d’une façon ou d’une autre, j’allais réussir à l’adapter. Et je sentais aussi que la difficulté de l’entreprise donnerait un film riche et très personnel. Tous les éléments difficiles à traiter (le Bluegrass, le mélodrame) sont finalement devenus les clés de développement du projet."

Dans la pièce qu’il a coécrit, Johan Heldenberg incarnait déjà Didier. Pour l'occasion, il a appris à jouer du bango, de la guitare et de la mandoline. Le réalisateur a rapidement pensé que l'acteur belge devrait reprendre son rôle dans le film. Il le connaissait bien pour l’avoir dirigé dans deux de ses précédents films "La Merditude des Choses" et "Steve+Sky" (que je ne connais pas). Il considère d’ailleurs que Johan et Didier se ressemble beaucoup : "Ils aiment parler et cela ne les dérange pas d’attirer l’attention. Ils ont des avis sur à peu près tout. Les convictions athées de Didier et de Johan sont très similaires. Néanmoins, il y a une différence entre le cinéma et le théâtre et nous avons cherché à exploiter des traits de caractère de Didier, des comportements qu’il n’avait pas eu besoin de développer pour la scène."

Veerle Baetens

C’est sa rencontre avec Veerle Baetens qui a permis au réalisateur de mieux comprendre Elise : "Comme le film est plus explicite que la pièce, j’ai dû atténuer certains traits de son personnage, mais de façon générale, ce personnage restait un mystère pour moi jusqu’à ce que je rencontre Veerle pendant l’audition. À partir de ce moment, tout s’est éclairci. Elle allait jouer Elise et lui donner la force et la puissance nécessaire. Veerle est un vrai pitbull, elle mord et ne lâche rien. C’est une perfectionniste, à tout point de vue", confie le réalisateur. La comédienne est devenue une star en Belgique grâce à ses rôles à la télévision dans "Sara" (la version flamande de la série "Ugly Betty") et dans la série policière "Code 37" pour laquelle elle a reçu plusieurs prix. Elise se tatoue à chaque fois qu'elle entame une nouvelle histoire d'amour. Les nombreux tatouages qu'on peut voir sur le corps de Veerle Baetens dans le film ont été dessinés par l’artiste bruxelloise Emy La Perla. Ils étaient simplement évoqués dans la pièce de théâtre mais Félix Van Groeningen a voulu leur donner une plus grande importance et les faire apparaître à l'écran.

Il me faut insister sur la vision du réalisateur du personnage d'Élise, et probablement des femmes en général. Rarement au cinéma une actrice n'a été aussi magnifiquement filmée, sans les afféteries esthétiques qui sont généralement "concédées" aux actrices en prétextant "sublimer" leur féminité. Ici, rien de tout cela, le corps de Veerle Baetens est filmé comme celui d'un homme, sans complaisance, et c'est absolument superbe. Un acte de féminisme. Et vous verrez que les scènes de sexe sont à couper le souffle.

Alabama Monroe - groupe

C’est Bjorn Eriksson qui a composé la musique du film. Les acteurs Veerle Baetens et Johan Heldenberg interprètent eux-mêmes les chansons. Le groupe qui s’est formé autour d’eux, The Broken Circle Breakdown Bluegrass Band, connaît depuis la sortie du film un énorme succès en Belgique et se produit à guichet fermé. La BO du film a été numéro un des ventes pendant de nombreuses semaines, allant jusqu’à dépasser le succès de celle de "Titanic". Le réalisateur rend hommage aux Etats-Unis à travers cette musique. Elise et Didier jouent ensemble dans un groupe de Bluegrass, style proche de la country. Leurs morceaux parcourent le film : "On a essayé de placer les chansons dans l’histoire de façon à ce qu’elles servent au mieux l’intensité dramatique. Parfois, une chanson est purement narrative et aide à raconter l’histoire, parfois, elle sert d’ellipse. À certains moments, on a utilisé une chanson spécifique pour étayer les émotions. À l’écriture, on a intégré les chansons déjà présentes dans la pièce. Mais à force d’écouter d’autres morceaux de Bluegrass, de nouvelles chansons ont trouvé leur place dans le scénario", explique le réalisateur. Et c'est incroyablement réussi, parce que la musique n'illuste ni n'accompagne le film, elle en est une partie prépondérante, certaines chansons et leur interprétation étant réellement des scènes du film, participant à son cheminement.

Heldenbergh et Cattrysse

Si le réalisateur fait acte de féminisme, il fait tout autant acte de "masculinisme". Je m'explique. Il filme le prodigieux Johan Heldenbergh comme les Frères Dardenne filment Olivier Gourmet et Jérémie Rénier, comme Michaël R. Roskam a filmé Matthias Schoenaets dans "Bullhead", comme Nicolas Winding Refn a filmé Mads Mikkelsen dans "Valallah Rising - Le Guerrier Silencieux", comme est filmé Toshirō Mifune... et comme désormais de plus en plus d'acteurs souhaitent être filmés. Ce sont tous les dogmes anciens sur la virilité et la masculinté qui sont remis en cause dans un certain cinéma d'aujourd'hui, dogmes anciens hérités des films de cow-boys aux USA et qu'on voit encore dans (presque) tous les films de super héros, hérités des films avec Jean Gabin et Lino Ventura en France. Comme si les ombres de Marlon Brando, James Dean, Montgomery Clift... et des hommes des films de la Nouvelle Vague redevenaient de véritables tuteurs. Et on le mesure dans les exigences cinématographiques des étasuniens Sean Penn, Matt Damon, Brad Pitt, George Clooney, Casey Affleck...

Nell Cattrysse

Il faut aussi citer tous les membres du groupe : Geert Ven Rampelberg (William), Nils de Caster (Jock), Robby Huysentruyt (Jef), et Jan Bijvoet (Koen). Ils sont remarquables, jouent en insufflant amitié et fraternité. Une mention spéciale à la jeune Nell Cattrysse qui campe une Maybelle superbe, alors que le rôle est particulièrement difficile (la petite fille qui a un cancer et qui va mourir !). Elle est confondante de spontanéité, parvenant à porter sur ses épaules des scènes superbes.

Pour la finesse de son écriture, la puissance de son interprétation et la maîtrise dont fait preuve Felix Van Groeningen pour nous entraîner dans ce maelström mélo-psycho-musical, on tape dans les mains, et plutôt deux fois qu'une. Le réalisateur continue d'impressionner avec son cinéma ivre de liberté et d'humanité.

Un pur mélodrame, lacrymal mais émotionnellement juste, qui réussit la gageure de faire rimer espoir, marginalité, révolte et passion avec un brio éclatant. Et servi par des comédiens talentueux sidérants de naturel et une mise en scène qui évite avec bonheur les artifices du genre. "Alabama Monroe", à la photographie remarquable, possède une lumière et un ton singuliers, à la croisée entre l'Amérique et le pays flamand, la romance et le drame, la légèreté et la noirceur.

Le grand huit émotionnel de cet fin d'été.

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