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16 septembre 2013

Jimmy P.

Psychothérapie d'un Indien des Plaines.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Jimmy Picard, un Indien Blackfoot ayant combattu en France, est admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy Picard souffre de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition... En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis d’un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.

"Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines)" est le récit de la rencontre et de l’amitié entre ces deux hommes qui n’auraient jamais dû se rencontrer, et qui n’ont apparemment rien en commun. L’exploration des souvenirs et des rêves de Jimmy est une expérience qu’ils mènent ensemble, avec une complicité grandissante, à la manière d’un couple d’enquêteurs.
J'ai toujours aimé le cinéma d'Arnaud Desplechin et suivre "sa troupe d'acteurs" au fil des années, notamment Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos, ses acteurs "fétiches". Ainsi ai-je admiré "Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)" en 1996, "Léo jouant Dans la compagnie des hommes" en 2003 (avec Sami Bouajila !), "Rois & Reine" en 2004, "Un conte ne Noël" en 2008. Scénatio toujours ciselé, propos intéressant, casting parfait, admirable direction d'acteurs, mise en scène fluide et sans esbroufe, etc...
J'avais toutefois une appréhension, à cause du sujet : la guérison grâce à une psychothérapie. En effet, le film aurait put être tissé de freudisme, dans le cadre d'une psychalyse aux concepts dépassés, maniant mal les concepts d' "objet" et de "sujet", se sclérosant sur sur l'évolution de la sexualité, s'arcboutant sur le complexe d'Oedipe, etc... Appréhension vite balayée par le film, surtout lors d'une scène où Georges Dereveux/Mathieu Amalric, devant sa maîtresse Madeleine (Gina McKee) moque Freud avec une barbe postiche, et aussi parce qu'Arnaud Desplechin ose dessiner les contours d'une belle amitié entre le thérapeuthe et son son patient.
 
Le scénario de "Jimmy P.", comme la seconde partie de son titre l'indique, est donc adapté du livre de Georges DevereuxPsychothérapie d'un Indien des Plaines, publié en 1951, qui lui-même retranscrit l'analyse de Jimmy Picard par son auteur, psychanalyste et anthropologue.
 
Arnaud Despechin a simplifié au maximum sa mise en scène, notamment en raison des conditions de tournage. Le film a en effet été réalisé très rapidement à cause de son budget réduit. Il s'agit également d'un choix délibéré du cinéaste : "Simplifier me permettait de me concentrer sur les deux hommes, et sur ce qui peut naître de conflit ou d'amitié entre eux", précise-t-il. Il revendique également l'influence de François Truffaut et de John Ford, deux grandes figures du cinéma auxquelles il se réfère constamment : "John Ford et Truffaut, j'y pense tous les matins et tous les soirs", souligne-t-il.
 
"Jimmy P." tourné à l'été 2012 entre dans le Montana et le Michigan, est le premier film "américain" d'Arnaud Despechin. Toutefois, ce n'est pas son premier film en langue anglaise, puisqu'il avait réalisé "Esther Kahn" en 2000, dont l'héroïne était anglaise et dont l'intrigue se déroulait à Londres au XIXème siècle.
 

Amalric & Del Toro

Évidemment, il y a Mathieu Amamric. Quand on a joué dans "Le Pont des Arts" d'Eugène Green en 2004, dans "La Question Humaine" de Nicolas Klotz en 2007, que ne peut-on jouer ? Acteur pour Iosseliani, Goupil, Biette, Téchiné, Jacquot, Ozon, Giannoli, Thomas, Dieutre, Bruni Tedeschi, Bonello, Schnabel, Resnais, les Frères Larrieu, Podalydès, Ramos, Ruiz, Cronenberg, Polanski, Fillières, etc... excusez du peu ! Avec Melvil Poupaud, Jérémie Rénier, Romain Duris notamment, il est un des meilleurs de sa génération. 
 
Face à lui, Benecio Del Toro obtient ici probablement son plus beau rôle, tout en force et en douceur, s'interrogeant sur soi-même avec cette magnifique voix profonde et filandreuse, avec délicatesse et fragilité, vers un mieux aller que le spectateur en vient a espérer ardemment, comme tenu par un suspense très tendu.
 
Jamais le cinéaste n’a approché avec un tel resserrement, ni une telle sérénité, ce motif originel de son cinéma qu’est la blessure de l’âme. Tapie dans la chair du film, la cicatrice fait graviter autour d’elle tous les voyages intérieurs des personnages.
 
"Jimmy P." relève un sacré défi. Par une mise en scène ample et libre, par le jeu sans faille de ses acteurs. Le film cristallise et dépasse les inquiétudes d'un réalisateur fasciné par la mort et la psyché. "Jimmy P." offre à la fois la jouissance de l'élucidation et celle du mystère intact ; la force du simple et les séductions du complexe ; le confort de la ligne droite et le charme sinueux des traverses ; les puissances conjuguées d'un cinéma populaire d'auteur.
 
Arnaud Desplechin a retrouvé une trajectoire à la hauteur de ses responsabilités. Longtemps maintenu dans le statut émollient de premier de la classe "auteurs", le cinéaste rompt avec un certain "confinement", renoue avec le risque. Et n’est jamais aussi bon que lorsqu’il prend le large. Récit de guérison, puissant autant que sensible, "Jimmy P." parle de ces blessures de l'âme qui obligent à redéfinir la notion volatile de folie.
 
La psychanalyse, parfaitement maitrisée par le cinéaste, produit l’étrangeté du film, en dépit d’une pauvreté visuelle qui au premier abord le fait passer pour ce qu’il n’est pas : une œuvre banale, policée, une peu plate. Impossible par ailleurs de ne pas évoquer la performance magistrale de Benicio Del Toro devant un Mathieu Amalric qui ne cesse de confirmer son exceptionnel talent.
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