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20 octobre 2013

Omar

Omar

Trop de murs...

Omar (Adam Bakri, aussi beau que bon) vit en Cisjordanie. Habitué à déjouer les balles des soldats, il franchit quotidiennement, au risque de sa vie, le mur qui le sépare de Nadia (Leem Lubany), la fille de ses rêves et de ses deux amis d'enfance, Tarek (Eyad Hourani) et Amjad (Samer Bisharat).

Les trois garçons ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et sont prêts à passer à l'action. Mais leur première opération tourne mal... 

Capturé par l'armée israélienne, Omar est conduit en prison puis torturé pour qu'il dénonce ses amis. Relâché contre la promesse d'une trahison exigée par l'agent Rami (Waleed Zuaiter, aussi producteur du film), Omar parviendra-t-il malgré tout à rester fidèle à ses amis, à la femme qu'il aime, à sa cause ?

Nous devons, notamment, au réalisteur palestinien Hany Abu-Assad "Le Mariage de Rana" (2001), "Paradise Now" (2005) que j'ai beaucoup aimé, "Do not forget me Istanbul" (2011). Les films palestiniens sont suffisamment rares pour ne surtout pas les manquer. Le sort des Palestiniens - et je ne vais pas aller au coeur d'un débat qui n'a pas sa place ici - est une meurtrissure telle qu'elle est une des motivations politiques de mon acte citoyen régulier qu'est le vote.

Omar - Bakri devant le mur

Le projet d' "Omar" est apparu au réalisateur  il y a plusieurs années lorsqu’un ami lui a raconté une mésaventure qui lui était arrivée quand un agent du gouvernement s'est approché de lui pour l’embrigader : "L’agent avait essayé d’utiliser les informations qu’il avait sur lui pour inciter mon ami à collaborer avec ses services. J’ai immédiatement souhaité approfondir ce sujet et réfléchir aux conséquences qu’une telle collaboration aurait sur des relations d’amour, d’amitié et de confiance."

Grâce à la notoriété de Hany Abu-Assad depuis sa participation aux Oscars avec "Paradise Now", le réalisateur a obtenu facilement des autorisations de tournage pour "Omar" à travers la Palestine. Quelques limites se sont tout de même imposées au metteur en scène : "En ce qui concerne le mur, nous n’avons reçu l’autorisation de grimper que jusqu’à une certaine hauteur et les images où Omar est au sommet ont été tournées sur un faux mur à Nazareth."

Omar - Bakri Adam

Les personnages principaux sont interprétés par des acteurs qui jouent ici dans leur premier film. Le réalisateur et la directrice de casting recherchaient des jeunes spontanés et dynamiques avec une capacité à exprimer des émotions profondes. Ainsi, celui qui interprète le rôle-titre, Adam Bakri a été recruté après avoir envoyé une cassette démo à Hany Abu-Assad. Waleed F. Zuaiter est le seul acteur professionnel du film. Il a notamment joué le tortionnaire du Sergent Brody dans la série à succès "Homeland". Sa participation à "Omar" ne s'est pas limitée à son rôle d'agent Rami, comme je l'ai évoqué plus haut, puisqu'il est également l'un des producteurs du film avec ses frères Ahmad et Abbas. Les techniciens du film ont quant à eux tous été recrutés sur le critère de leur nationalité. En effet, ils devaient tous être Palestiniens pour pouvoir travailler le réalisateur sur le film. Ainsi, certains chefs de départements occupaient ce poste pour la première fois de leur carrière.

Quand Omar est emprisonné et torturé, j'ai noté la présence, dans le rôle de son tortionnaire, l'acteur Yousef Sweid (arabe et israélien et chrétien), découvert par Eytan Fox, qui a joué dans ses magnifiques "The Bubble" (2003) puis "Tu marcheras sur l'eau" (2005), revu depuis dans la série "Homeland" et dans "Inc'Allah" d'Anaïs Bourbeau-Lavalette, et qui tiendra un petit rôle dans le film à venir du grand Amos Kollek, "Restless".

Omar - Lubany et Bakri

Voilà un film d’une force émotionnelle sans pareille. On a rarement aussi bien vu en action la solidarité ici en jeu. Pour une fois, les Palestiniens ne se limitent pas à une façade militante aseptisée. Ils sont faits de chair et de sang, de désirs et de contradictions. Grâce en soit rendue au cinéaste, qui certes livre un film engagé, mais qui aussi sait jouer des complexités et ambiguïtés des hommes et de la politique...

Car "Omar" est aussi un drame de la jalousie en temps de guerre, un opus aux accents shakespeariens porté par une pléiade d'acteurs à la hauteur du propos, dans lequel Adam Bakri, Samer Bisharat, Eyad Hourani et la charmante Leem Lubany sont de très belles révélations, qui mettent toute leur fougue à faire vivre un scénario nourri et intelligent.

Tout en menant l'intrigue comme une histoire de guerre de gangs ou de gangsters, comme un drame sentimental d'amour et d'amitié pouvant mener à la trahison, Hany Abu-Assad rappelle sans cesse qu' "Omar" est aussi un film de guerre tout court.

À la fois cérébral et intuitif, mû par l'urgence, il développe d'autant plus efficacement des enjeux moraux, sociaux, politiques et sentimentaux, tout en ménageant des surprises scénaristiques jusqu'au plan final, marquant et éblouissant comme un éclair dans la nuit. L’originalité d’ "Omar" réside là. User du contexte comme d’autant de leviers narratifs - diablement efficaces. Asséner que le cœur du conflit se joue ailleurs, au creux des maisons, à la faveur des confidences échangées, répétées, trahies.

"Omar" a reçu le "Prix du Jury" dans la section "Un Certain Regard" lors du Festival de Cannes 2013, et c'est amplement mérité.

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