La première mosquée "gay-friendly" d'Europe est à Paris

Groupusculons-nous et relions-nous !

Parce que l'information est ailleurs...

J'ai noté - avec beaucoup d'autres - que désormais les informations intéressantes, fouillées, analysées, réellement critiques et novatrices, hors des sentiers battus où ne fleurissent que des poncifs sans analyse, il faut aller les chercher avec patience, les "dénicher".

Alors certes, il y a encore quelques articles dans Le Monde, dans Libération, dans le Huffington Post, dans Médiapart, dans le NouvelObs, dans Marianne, dans Politis, ici dans Courrier International, dans les Inrokuptibles... chaque semaine dans le Canard Enchaîné, mais on ne peut pas dire qu'elles sont accessibles à l'ensemble d'entre nous, en ce sens que les media les plus puissants, à la télévision TF1 et France Télévisions, à la radio RTL et Europe 1, sur internet la nébuleuse Novopress qui gangrène tout et partout... ne les reprennent pas, voire les dissimulent sciemment ou les déforment, à la seule faveur de sondages (presque toujours) auto-precripteurs, plus bêtifiants les uns que les autres, emportés par la tornade du "décomplexé" qui ouvre la porte aux commentaires les plus affligeants, les plus individualistes et égoïstes, les plus haineux, les plus incitatifs à la haine.

Chercher - et il faut en avoir le temps ! - des articles sur des stratégies économiques réellement égalitaires et fraternelles, des analyses sur tous les méfaits des grands groupes (sur l'environnement, la santé, l'accaparation des richesses, la fraude et l'évasion fiscales, les mafiosi de la poitique affairiste, la "colonisation économique des pays pauvres, etc...), sur les forces de lobbying réelles du Tea Party, de l'AIPAC, de l'UIMM, de la FNSEA, de l'UFIP, de l'UMIH (que de sigles !) au sein des institutions supposées être démocratiques, sur la critique pertinente des politiques économiques d'austérité, sur les nouveaux indices mesurant la "qualité" des sociétés (voir les travaux de Sen, Stiglitz, Krugmann, etc...) devient un véritable d'enquête.

On nous dit qu'il n'y a pas d'autres solutions que le capitalisme, que le socialisme est d'un autre temps en nous renvouant Staline et Pol Pot dans la gueule, que la Libeté prévaut forcément (?) - ça signifie "de force" ? - sur l'Égalité et la Fraternité, que la laïcité présuppose de facto nationalisme, xénophobie et islamophobie, que le mariage est voué à détruire les valeurs chrétiennes et la structure familiale, etc...

Nombreux sont les champs de réflexion qu'il faudrait balayer, économie, fiscalité, emploi, environnement, lobbying, sondages, etc... pour prouver que des alternatives existent et qu'elles sont pertinentes. Pour prouver aussi qu'existent des RÉALITÉS qui démentent les poncifs répétés à l'envi par les média de masse.

J'avais noté, il y a quelques mois, via la page FaceBook de Ludovic-Mohamed Zahed qui se prépare à soutenir sa thèse "Islam et Homosexualité", cette nouveauté, une mosquée "gay-friendly" à Paris, et j'étais (naïvement ?) persuadé que l'information serait relayée, puisque les actualités, ces derniers mois, se sont souvent focalisées, précisément, tantôt sur l'homosexualité, toujours sur l'islam supposé être infongible dans la République. Il n'en fut rien.

Source : Tempo, repris par Courrier International. Dini Kusmana Massabuau.
Et aussi dans le DailyNews : http://www.hurriyetdailynews.com/mosque-for-gays-to-open-in-france.aspx?pageID=238&nid=34981

La première mosquée “inclusive” d’Europe a ouvert ses portes à Paris de façon confidentielle.
Le magazine indonésien Tempo a pu assister à l’un des premiers prêches.

Elle se trouve là, quelque part entre les magasins fréquentés par une foule frénétique d’immigrés africains qui fait le charme de la Goutte d’Or, ce quartier du XVIIIe arrondissement de Paris : la fameuse Mosquée inclusive de l’unicité [également appelée mosquée du Tawhid]. Son emplacement précis est gardé secret. Seules les personnes enregistrées officiellement aux Homosexuels Musulmans De France (HM2F) [collectif citoyen “pour un islam de France véritablement inclusif et une laïcité véritablement respectueuse de toutes les croyances”] peuvent obtenir son adresse et ont accès aux instructions pour pouvoir prier dans cette première mosquée gay friendly de France [avec des prières “ouvertes aux hommes, femmes, lesbiennes, gays, bi et transgenres, musulmans ou non”, selon le site web d’HM2F]. 

“Pour les musulmans de France, ce que nous pratiquons là est une hérésie”, explique Ludovic-Mohamed Zahed, un Français d’origine algérienne de 36 ans, fondateur de la Mosquée inclusive de l’unicité. Les plus radicaux, qui lui envoient des insultes par SMS et menacent de brûler le lieu de culte, sont certes une infime minorité, mais Zahed se doit de rester vigilant. Il autorise toutefois Tempo à participer à la prière du vendredi soir. Dans une salle de location, les fidèles sont assis sur leur petit tapis respectif, hommes et femmes mélangés. Zahed présente à l’assemblée un éminent imam hollandais, dénommé Hashim, qui donne un prêche en anglais, puis conduit la prière. Beaucoup de fidèles sont visiblement de nouveaux convertis et apprennent encore comment se prosterner. Puis on allume des bougies pour créer une atmosphère propice au dhikr [invocation des plus beaux noms d’Allah, forme de méditation]. A la fin, toutes et tous posent leur chapelet et partagent une frugale collation : pain arabe, dattes, thé chaud. 

Une mosquée où gays, lesbiennes et travestis peuvent prier en toute sécurité, sans honte ni peur, tel est le rêve de Zahed depuis toujours. Il se souvient de la manière dont son mari sud-africain, Qiyaam Jantjies, s’est fait un jour honnir lors de la prière du vendredi à la Grande Mosquée de Paris par un fidèle qui l’a stigmatisé comme gay : “Il a été traumatisé et s’est promis de ne jamais plus retourner à la mosquée.” Mais ce rêve n’est pas facile à réaliser. La preuve : les violentes réactions qu’il a suscitées lorsque, le 30 novembre 2012, Zahed annonce publiquement l’ouverture d’une mosquée gay dans un monastère zen, dans une banlieue à l’est de Paris. Federico Joko Procopio, moine au grand cœur et membre de HM2F, met à sa disposition une salle de 10 mètres carrés dans son temple bouddhiste. Il ne s’agit pas juste d’une solidarité interreligieuse. Il se trouve que Federico est un vieil ami de Zahed, de l’époque où ce dernier s’est converti au bouddhisme après avoir eu le sentiment d’être rejeté par la religion de son enfance, l’islam. 

“A 16 ans, alors que je me sentais déjà très féminin, je suis rentré en Algérie avec mes parents. Là-bas, être gay ou lesbienne, c’est la honte pour toute la famille. Mes parents m’ont demandé de choisir : ma religion ou ma sexualité. J’ai alors décidé de me couper de l’islam. A 20 ans, j’ai tenté de chercher la paix dans une autre religion, je suis allé jusqu’au Tibet pour étudier le bouddhisme. A la même époque, j’ai lu presque tous les livres saints des autres religions et j’ai découvert que la plupart considéraient l’homosexualité comme un péché. Alors j’ai commencé à penser que je ferais aussi bien de revenir à l’islam de mon enfance que j’aimais tant.” 

L’idée de fonder la Mosquée inclusive de l’unicité lui est venue après avoir rencontré Ani Zonneveld à Los Angeles. Mme Zonneveld est la première femme imam et la fondatrice, en 2007, du mouvement des Musulmans pour des valeurs progressistes. Née il y a cinquante ans à Kuala Lumpur, en Malaisie, fille de diplomate, cette artiste et poète a grandi entre l’Allemagne, l’Egypte et l’Inde, puis s’est mariée avec un homme d’origine hollandaise. C’est à la suite de cette rencontre déterminante que Zahed lance le mouvement HM2F, avec le soutien de son mari, Qiyaam Jantjies, qu’il a épousé civilement en 2011 en Afrique du Sud et religieusement, selon le rite musulman, en février 2012. Aujourd’hui HM2F compte près de 400 membres. 

Le niveau de sécurité à la Mosquée inclusive de l’unicité a augmenté ces derniers mois à cause des manifestations contre le mariage pour tous. Aux côtés de la très charismatique Frigide Barjot, les milieux musulmans sont venus grossir les rangs des opposants à ce projet de loi qui a été définitivement adopté à l’Assemblée nationale le 23 avril dernier, faisant de la France le quatorzième pays à reconnaître le mariage entre deux personnes de même sexe. Un des groupes les plus actifs depuis le début est l’Union des Organisations Islamiques de France [UOIF], dont le président, Ahmed Jaballah, explique à Tempo pourquoi il est contre le mariage homosexuel : “Non seulement c’est contre nature, mais c’est aussi contre ce qui est écrit dans le Coran.” 

Pendant des années, Zahed a traduit chaque verset du Coran et n’en a pas trouvé un seul qui jette l’opprobre sur les homosexuels de manière claire. “Le Prophète est même intervenu en faveur d’un mukhannathun [homme habillé en femme] que des fidèles voulaient mettre à mort. Il a dit : 'En vérité, j’ai interdit qu’on tue quiconque fait ses prières.’ ” Zahed considère que chaque jour est une bénédiction. La légalisation du mariage homosexuel en est la preuve : “Je vais m’empresser d’officialiser mon mariage civil avec Qiyaam selon le droit français.”

=> Mon propos n'est évidemment pas de ne proposer qu'un copié/collé de cet article, mais d'abord de souligner le mot "confidentielle" au début de l'article. Voilà. L'ouverture de cette mosquée est "confidentielle", le relai médiatique qui s'ensuivit fut lui aussi "confidentiel". Il existe un islam "gay-friendly" qui devrait rester "confidentiel". Au moins dans un premier temps...

Et on comprend bien ici qu'il en va de même pour (presque) tout ce qui est novateur et progressiste, dans tous les domaines que j'ai ci-dessus mentionnés, et qui tente de dessiner la société dans la quelle nous vivrons après cette période de "crise" et de "conséquences de crise", après cette période mutation. Tout ce qui essaie de comprendre et qui aide à tourner cette période historique devait, au moins dans un premier temps, rester confidentiel, et peut-être pas à des fins de dissimulation, mais à des fins de "solidification".

Ce qui reviendrait à dire que pour partir sur de nouvelles bases, il faut prendre le temps de construire des bases solides. Cela paraît peut paraître évident à certains, mais j'appartiens à une génération qui n'a pas connu de période de mutation profonde (sinon l'éradication programmée de la classe ouvrière ourdie par le patronat et son MEDEF, mais qui a commencé bien avant moi). 

De la même façon que, pour n'évoquer que la période récente, le MLF aura été d'abord un groupuscule, que le FAHR aura été d'abord un groupuscule, il nous faudrait aujourd'hui - à nous qui veulons encore changer le monde, et même changer de monde - faire les choses discrètement, de façon "confidentielle", avant d'essaimer et d'infiltrer pour déteindre sur le plus grand nombre.

Cela rappelle à ma mémoire les récentes "révolutions arabes", le "Printemps de Jasmin", qui s'est voulu d'abord massif via l'internet, ensuite réfléchi dans un processus simultané, ce qui aura peut-être été la cause de ses revers (Ennahda, Frères Musulmans...), même si selon moi, ces révolutions vaincront.

Et saut de mémoire à saut de mémoire, voici Claude Lévi-Strauss qui se rappelle à moi, avec sa mise en garde essentielle face à notre entrée dans "le règne de la vitesse". Et je me dis que nous devons accepter, pour contribuer à changer le monde, de nous "groupusculer" et de nous "lentifier". Éloge du petit et du lent, en quelque sorte.

Nous ne grandirons pas ni ne contribuerons à changer efficacement le monde en débutant déjà "infatués" de critères anciens, mais petits et humbles, ce que nous sommes. Probablement hors des partis politiques, et mêmes des grandes ONG. Ensuite, nous infiltrerons et déteindrons. Nous "tâcherons", nous feront tâche.

Groupusculons-nous, et relions-nous.

Et un grand merci au MLF, au FAHR, à Act-Up, aux Économistes Atterrés (http://www.atterres.org), à Ludovic-Mohamed Zahed et ses amis, aux staticiens de l'INSEE qui signent Lorraine Data, à tous ceux qui se sont groupusculés pour jouer aux chiens fous et optimistes dans le grand et triste jeu de quilles qu'est devenu le monde dominant de la servitude volontaire...