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9 décembre 2013

Hymne à la vie, éloge de la différence... Henri

Henri

Hymne à la vie, éloge de la différence...

Henri (Pippo Delbono), la cinquantaine, d’origine italienne, tient avec sa femme Rita (Lio) un petit restaurant près de Charleroi, "La Cantina". Une fois les clients partis, Henri retrouve ses copains, Bibi et René (Jacky Berroyer et Simon André, épatants), des piliers de comptoirs ; ensemble ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs.

Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé. Leur fille Laetitia  (Gwen Berrou) propose alors à Henri de se faire aider au restaurant par un "papillon blanc", comme on appelle les résidents d’un foyer d’handicapés mentaux proche de "La Cantina". Rosette (Miss Ming, de son vrain nom Candy Ming) est de ceux-là. Elle est joyeuse, bienveillante et ne voit pas le mal. Son handicap est léger, elle est simplement un peu "décalée".

Elle rêve d’amour, de sexualité et de normalité. Avec l’arrivée de Rosette, une nouvelle vie s’organise pour Henri, qui pourrair céder à son charme... à condition toutefois que ce soit "ailleurs".

"Henri" est le deuxième long métrage de la réalisatrice Yolande Moreau après le très beau "Quand la mère monte" (2004) pour lequel elle a reçu le César du Meilleur Premier Film en 2005. Comme sur son précédent, elle signe également le scénario du film. "Henri" a été sélectionné au Festival de Cannes 2013 dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs, y faisant la clôture.

"Henri" est un long métrage qui comporte très peu de dialogues. Selon la réalisatrice, l'écriture cinématographique étant très visuelle, elle essaye de raconter le plus possible de choses sans faire parler les personnages. Elle y parvient admirablement, haut la main, notamment grâce à ses acteurs.

La réalisatrice/scénariste/actrice Yolande Moreau a eu l'idée de "Henri" lors du repérage sur son premier film. Elle raconte : "On a mangé un jour dans un petit resto. Le patron était colombophile... Il nous a expliqué comment on sépare ces pigeons, emmenant les mâles à des milliers de kilomètres pour les libérer dans le ciel, et comme ce sont des oiseaux très fidèles, le mâle est pressé de rentrer pour retrouver sa femelle des mois plus tard. Fascinant ! J’ai voulu recouper cette histoire avec le rêve d’envol d’Henri."

Henri - Ming & Moreau

Lorsque Yolande Moreau a écrit le scénario de "Henri", elle avait tout d'abord pensé à elle-même pour interpréter le rôle de Rosette avant de se résigner à choisir quelqu'un de plus jeune. C'est ainsi qu'elle s'est octroyée le rôle de la tante Michèle (dans une scéne désopilante), qu'elle avait écrit en ne pensant pas à elle au départ. Une opportunité pour Miss Ming à qui le rôle a finalement échu. Yolande Moreau connaissait bien l'actrice Candy Ming pour avoir joué avec elle sur de nombreux films des réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Delépine: elles partagent en effet l'affiche de Louise-Michel (2008), "Mammuth" (2010) et "Le Grand Soir" (2011). Elle a obtenu une "Mention Spéciale du Jury Jeune Espoir" au Festival Jean Carmet des Seconds Rôles pour sa prestation dans le court-métrage "La déferlente", et elle a par ailleurs réalisé "Mon Amoureux". Son jeu est d'une délicatesse inouïe, tout en sensibilité et en poésie.

Henri - Delbono & Ming

C'est Pippo Delbono qui incarne Henri. C'est un réalisateur/acteur parfait pour l'univers si particulier de Yolande Moreau. Côté réalisateur, on lui doit "Grido" (2007), "Amore Carne" (2011) et "Sangue" qui devrait sortir sur les écrans avant la fin de l'année ; du côté acteur, on a pu l'apprécier dans le très beau "Amore" de Luca Guadaguino porté par la géniale Tilda Swinton (2009), dans "Moi et Toi" de Bernardo Bertolucci (2012), dans "Cha Cha Cha" de Marco Risi (2012), et récemment, incarnant le prêtre d' "Un Château en Italie" de Valeria Bruni-Tedeschi. Bourru et taiseux, il campe un superbe Henri, tout en silences, jouant avec ses regards, avec ses sourires...

Jackie Berroyer et Simon André campent les deux piliers de bistrots amis de Henri, rieurs et facétieux, même s'ils sont parfois un peu "clichés".

Henri - André & Ming & Berroyer

La superbe musique de "Henri" est composée par Wim Willaert, qui avait fait ses premiers pas dans l'univers du cinéma avec le premier film de Yolande Moreau. Il n'y avait cependant pas fait la partition puisqu'il jouait le rôle de Dries dans ce premier long métrage de la réalisatrice. Cette musique met la dernière touche poétique aux paysages du Nord de la France que filme admirablement la réalisatrice.

De cette histoire ordinaire, Yolande Moreau tire un conte, un hymne à l’amour et à la liberté, avec un réel talent pour éviter le pathos. On ne peut que saluer son sens de la mise en scène, son parti pris esthétique qui donne au plat pays des allures de western naturaliste et poétique. Elle sait comme personne retrouver le charme des "petits riens" de l'existence. La chronique est ténue, les notations humoristiques ou mélancoliques bien amenés, avec quelques envolées discrètement lyriques.

"Henri" révèle des trésors cachés qu’il serait bien regrettable d’ignorer. Candy Ming incarne avec tendresse et fraîcheur ce rôle de Rosette, admirable "papillon blanc" dont on aurait aimé qu’il donne son titre au film.

D’un sujet ténu, Yolande Moreau tire une jolie fable sur l’espoir. Neuf ans après "Quand la mer monte", la comédienne et réalisatrice redonne corps à son univers singulier. Ici, la poésie est reine, et les sensibilités, toujours à vif, même si les personnages ne me semblent pas toujours suffisamment fouillés.

"Henri" est un film de toute beauté, de toute bonté.

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