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La Vie ChonChon
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5 janvier 2014

2 automnes 3 hivers

2 automnes 3 hivers

C'est l'amour et l'amitié qui changent la vie...

A 33 ans, Arman (Vincent Macaigne, exceptionnel) est seul depuis une déception amoureuse, et vit une vie grisâtre entre ses petits boulots et son amitié avec son pote Benjamin (Bastien Bouillon) depuis l'université, aussi seul que lui, a décidé de changer de vie.

Pour commencer, il court dans les jardin publics. C’est un bon début. Amélie (Maud Wyler) poursuit la sienne (de vie) et court, elle aussi.

La première rencontre est un choc. La seconde sera un coup de couteau en plein ventre lorsqu'il viendra à son secours alors qu'elle se fait agresser dans une impasse. Il est emmené à l'hôpital, où il se rétablit de sa blessure, et voit de plus en plus souvent Amélie, tombant amoureux l'un de l'autre.

C'est alors autour de Benjamin d'être la victime, lui, d'un AVC en pleine rue. Il est emmené à l'hôpital, où il se remet petit à petit, aidé par les messages télépathiques de sa soeur Lucie (Pauline Étienne) et soutenu par Katia (Audrey Bastien), la jeune orthophoniste, qui l'aide à recouvrer pleinement la parole. Benjamin et Katia tombent peu amoureux l'un de l'autre.

Voici Arman et Benjamin, ayant bel et bien changé de vie, plus par hasard que par volonté.

"2 Automnes 3 Hivers" est le second long-métrage du réalisateur Sébastien Betbeder. Jusqu'ici, ce "jeune" cinéaste de 38 ans était un habitué des courts et moyens métrages. La donne changea en 2012, suite à la sortie de son premier long-métrage, remarqué et bien accueilli, "Les Nuits avec Théodore".

En compagnie de Justine Triet, Solveig Anspach, Antonin Peretjatko, Guillaume Brac, Djinn Carrenard... Sébastien Betbeder fait partie de cette nouvelle génération de réalisateurs français plébiscitée par les Cahiers du Cinéma, et mise en lumière au Festival de Cannes 2013. Le cinéaste précise d'ailleurs : "On a subi ces dernières années une situation qui tend à rendre le cinéma français très académique, les scénarios sont bâtis sur des structures affreusement conventionnelles, avec des cahiers de charges totalement paralysants. Et la précarité dans laquelle nous, techniciens, cinéastes, producteurs indépendants, nous trouvons, fait qu'il était temps de trouver des solutions (...) Je crois qu'il y a chez ces cinéastes la même nécessité absolue de faire des films, de bousculer les modes de fabrication d'un certain cinéma, d'inventer. C'est heureux et ce n'est pas trop tôt." Je ne lis pas "Les Cahiers du Cinéma", mais je me suis fait l'écho ici du travail de ces cinéastes et de cette nouvelle forme de cinéma, beaucoup moins conventionnelle et que j'apprécie, notamment lorsque j'ai chroniqué "Queen of Montreuil", "La Fille du 14 Juillet" et "La Bataille de Solférino" (que j'ai tous les trois placés dans mon "TOP 20" de 2013). J'y reviendrai plus bas, en évoquant les comédiens qui incarnent les principaux protagonistes du film.

"2 Automnes 3 Hivers" revient beaucoup sur la perte de repères sociaux et sentimentaux propre à ces trentenaires du XXIème siècle. À ce sujet, le cinéaste explique que "nous aimons différemment en 2013, nous pensons différemment la mort. Nous sommes de moins en moins insouciants. Tout cela est troublant, angoissant parfois." Construit en chapitres, le film bénéficie d'une mise en scène originale dans laquelle les personnages n'hésitent pas à briser le quatrième mur en faisant des monologues face à la caméra. Selon le réalisateur, le but est d'impliquer encore plus le spectateur dans le film. Avec un budget léger de 300 000 euros, Sébastien Betbeder ne s'imaginait pas pouvoir composer un long-métrage digne de ce nom. Il a alors décidé, avec son producteur, d'utiliser les méthodes de financement inhérentes au court-métrage : "Je ne voulais pas être contraint sur le choix du casting, ni sur les modalités de tournage. On a décrété que le film, malgré son ambition, était finançable de cette manière. Surtout, nous avions cette volonté de n'avoir aucun compte à rendre, d'aller au bout d'une envie, de ne pas perdre cette impulsion première. Ce désir d'urgence, de tourner rapidement, semblait difficilement compatible avec les conditions de production d'un long métrage, surtout dans l'époque agitée que nous traversons.

Vincent Macaigne - 2A3H

Maud Wyler - 2A3H

Bastien Bouillon - 2A3H

Dans le rôle d'Arman, Vincent Macaigne (à gauche), dont je ne me lasse pas. "Un monde sans femmes" de Guillaume Brac en 2011, La Fille du 14 Juillet" d'Antonin Peretjatkho et "La Bataille de Solférino" en 2013 nous ont présenter cet exceptionnel comédien, dont je ne manquerai pas les prestations, prochainement, dans "Tristesse Club" de Vincent Mariette et surtout "Tonnerre" de Guillaume Brac.

Dans le rôle d'Amélie (au milieu), la très belle et douce Maud Wyler au sourire plein de vie, écouverte dans "La Brindille" d'Emmanuelle Millet en 2010, et qui a poursuivi son bonhomme de chemin dans ""Low Life" de Nicolas Klotz en 2011, "Louise Wimmer" de Cyril Mennegun en 2012, et récemment face à Daniel Auteuil dans "La Mer à boire" de Jacques Maillot en 2013. Une comédienne à suivre.

Bastien Bouillon (à droite) campe un Benjamin d'une rare délicatesse. Venu de la TV (séries et téléfilms), il figurait au générique de "La Guerre est déclarée" de Valérie Donzelli en 2010, et nous le retrouverons bientôt dans "Le Beau Monde" de Julie Lopes-Curval. Avec son physique qui rappelle celui de Julien Boisselier à son âge, c'est selon moi un comédien à suivre lui aussi.

Je souhaite noter, dans des rôles plus secondaire, d'abord de Pauline Étienne dans le rôle de Lucie, la soeur de Benjamin, qui ne cesse de nous gratifier de ses belles apparitions cinématographiques : "Qu'un seul tienne et les autres suivront" de Léa Fehner en 2009 avec l'extraordinaire Reda Kateb, ""Le Bel Âge" de Laurent Perreau en 2009 face à l'impressionnant Michel Piccoli, " Paradis Perdu" d'Éve Deboise, dans le très réussi "La Religieuse" de Guillaume Nicloux en 2013, que j'attends dans "Eden" de la talentueuse Mia Hanse-Love, et ensuite d'Olivier Blanchard dans un très beau rôle de trentenaire complètement paumé au bord du suicide. Je ne comprends pas que le cinéma ne soit pas plus "généreux" avec ce comédien très intéressant, découvert dans "La vie ne me fait pas peur" de Noémie Lvovsky en 1999, et qui figure aux génériques de "Le Pornographe" de Bertrand Bonello (2001), "La Bande du Drugstore" de François Armanet (2002), "Pas de repos pour les braves" de Alain Guiraudie en 2003 (et le seul nom de ce réalisateur que je soutiens depuis plus de 10 ans reste pour moi presque magique), "Les Amitié Maléfiques" d'Emmanuel Bourdieu (2006), "Memory Lane" de Mikhaël Hers (2010), "Queen of Montreuil" de Solveig Anspach. J'ose espérer que son rôle dans "Lulu femme nue" de cette même Solveig Anspach, face à Karin Viard et Bouli Lanners, qui sort fin janvier 2014, attisera la curiosité des réalisateurs... 

Ce conte des deux saisons effectue la jonction entre le style de la nouvelle vague française et la comédie indépendante américaine pour un résultat savoureux, entre rires et émotion à fleur de peau. La référence assumée, voire revendiquée, à Eugène Green (voir et revoir absolument "Le Pont des Arts"), à Alain Tanner, et aux films de Judd Apatow est très éclairant à ce propos.

Il y a quelque chose de frais, de sympathique dans ces chroniques intimistes racontées à la première personne, face caméra, par des personnages mal barrés sentimentalement. Il n’est pas fréquent de voir un film conjuguer à ce point douceur et lucidité. Cette mise en avant de l'amour et de l'amitié propose un "je ne sais quoi" de particulièrement salutaire dans cette période de sinistrose généralisée.

Bouillon et Macaigne - 2A3H

Comme l'amour et l'amitié, qui, rendant hypersensible, provoquent tour à tour euphorie et mélancolie, ce film maîtrisé, révélant un auteur à suivre, inscrit l'inquiétude dans la joie, s'avère successivement drôle et poignant. "2 Auromnes 3 Hivers" est le portrait pop et mélancolique d’une génération désenchantée mais romanesque à laquelle Vincent Macaigne apporte toute sa démesure de clown triste. 
La preuve éclatante que le cinéma d’auteur a aussi vocation à être populaire, citant aussi bien Alain Tanner que Judd Apatow, Nicolas Sarkozy ou Koh-Lanta.

Un film irrésistible.

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