Wrong Cops
La police en folie...
USA, Los Angeles 2014.
Duke (Mark Burnham), un flic pourri et mélomane, deale de l’herbe qu'il dissimule dans des rats et des poissons morts, et terrorise les passants.
Ses collègues au commissariat ne sont guère plus pétrits d'éthique : Renato De Luca (Eric Wareheim) ; un obsédé sexuel qui veut absolument voir les seins des femmes qu'il arrête sous n'importe quel prétexte et de ses collègues ; Sunshine (Steve Little) un chercheur de trésor qui a trouvé 13.000 $ enterrés dans son jardin, au passé douteux,ayant posé nu dans un magazine gay ; Shirley (Arden Myrin, hilarante), une flic maître chanteur qui veut le magot de Sunshine ; Rough (Eric Judor) un borgne difforme et idiot se rêvant star de techno alors qu'il n'a aucun talent ; les jeunes officiers Brown et Regan (Brandon Beemer et Jonathan Lajoie), deux benêts qui ne fichent et ne comprennent rien à ce qu'il se passe, roulent virilement des mécaniques, en réalité gays au placard ; etc…
Leur système fait de petites combines et de jeux d’influence se dérègle lorsque Duke, tirant sur David Dolores Franck (Marilyn Manson, méconnaissable et épatant) un jeune qui écoute tranquillement son MP3 sous un arbre, il blesse un voisin (Daniel Quinn) qu'il laisse pour mort dans son coffre, mais qui se réveille, et dont il veut à tout prix se débarrasser, y compris en appelant sa mère (Grace Zabriskie) à l'aider...
Quentin Dupieux est connu pour ses films hors des sentiers battus, totalement loufoque : "Steak" avec Eric Judor et Ramzy Bedia (2006), "Rubber" (2010), "Wrong" avec Jason Plotnick et Éric Judor (2012), "Réalité" avec Alain Chabat et Élodie Bouchez (2012). Il a commencé sa carrière avec Michel Gondry. Il est connu pour sa passion de la musique électro, sous le pseudonyme Mr Oizo, dont il est un des tenants de la "franch touch" depuis le succès mondial de son morceau "Flat Beat". C'est en toute logique lui qui a composé la (très bonne) musique de "Wrong Cops".
Wrong Cops n'est pas né long-métrage. Quentin Dupieux en a d'abord écrit et réalisé un chapitre qu'il voyait comme un court-métrage indépendant, avec Marilyn Manson et Mark Burnham. Puis il a ajouté six épisodes qu'il a tenté de monter ensemble pour en faire un long-métrage. La formule n'étant pas adéquate, il a réinventé l'ordre des séquences pour parvenir au montage final. C'est la première fois qu'il agit de cette manière sur une de ses réalisations, restant d'habitude très fidèle à la trame d'origine. Alors que le film n'est encore composé que de trois chapitres, le réalisateur et l'équipe le montent à la manière d'une série et le projette au festival Sundance. Chaque épisode est agrémenté d'un court générique pour donner l'impression qu'il s'agit d'un véritable serial. Selon Quentin Dupieux, "ça marchait du feu de dieu. Dès que le générique redémarrait, la salle était hystérique".
Autrefois cantonné à la périphérie du globe, ou aux chemins de traverse de son propre entre-monde, le satellite Quentin Dupieux amorce avec ce grand foutoir policier un délicieux retour vers ses contemporains. Toutefois, il refuse l’appel du "film de la maturité" mais construit de plus en plus solidement son domaine nonsensique, ne faisant rien pour améliorer son cas, et c'est ce qui m'a enchanté.
Adepte de l'absurde, Quentin Dupieux imagine un polar dégénéré, au diapason de la musique électro qu'il compose sous le pseudonyme de Mr Oizo. "Wrong Cops" est à l'image de ses compositions : grinçant et obsédant. Sous la drôlerie apparente, le film est terriblement anxiogène. Derrière l’apparente gratuité du film, son côté cirque freak, Quentin Dupieux raconte en fait son angoisse d’une normalité effrayante, qu’incarne à lui seul le contre-emploi drôle et assez émouvant de Marilyn Manson, ce qui se révèle une excellente idée.
"Wrong Cops" agit sur le cerveau du spectateur comme une grenade à fragmentation, un appel au bordel généralisé difficile à ignorer. Psychopathes ou abrutis, ou les deux à la fois, les personnages font désespérer de l'humanité, mais pas d'un cinéma totalement libre et déjanté.
Si vous pouvez adhérer à l'absurde, si vous pouvez vous émanciper d'un cadre rigoureux, si vous pouvez circuler hors des sentiers battus, et surtout si vous voulez vous amuser à travers un constat glaçant, courrez voir "Wrong Cops".
Je me suis régalé !